En 1998 le Conseil National du Patronat Français a disparu. Il a fait place au Mouvement des Entreprises de France. Fonctionnellement rien à changé. C’est très exactement la même chose. A quelques détails prêts, la désignation. On ne se méfie jamais assez des mots qu’on nous met dans la tête. George Orwell nous avait pourtant prévenus au sujet de la novlangue mais personne ne lit plus George Orwell sauf si Netflix en fait une série en s’inspirant d’une iconographie stalinienne, j’y reviendrais.
« Conseil National du Patronat » avait le mérite de désigner une hiérarchie. Un groupe représentatif de patrons français, constitué à la demande du gouvernement. En 46, un an après sa création, le CNPF a élargi cette représentativité en signant une convention avec le conseil interfédéral du commerce. Cette convention donnera naissance au Conseil National du Commerce qui regroupe une trentaine de fédérations professionnelles. Les grands patrons français parleraient désormais au nom de tous les patrons, petits ou moyens. Reste que la terminologie désignait spécifiquement qui décidait. Une terminologie définie, compréhensible par tous et qui alimentait à loisir les mouvements de gauche. Et ça c’était quand même emmerdant. Le gauchiste pouvait désigner son ennemi, l’identifier et donc le combattre. Heureusement Ernest Antoine Seillière est arrivé et a trouvé la solution… Le Medef, le Mouvement des Entreprise de France… Il n’y avait plus de patron, il y avait des entreprises, plus de conseil national mais un mouvement. Un grand élan commun et confraternel. Et la gauche française s’est retrouvée privée de hiérarchie désignée, d’ennemi identifiable. A bas les patrons ! C’est simple, c’est facile à hurler et ça situe tout de suite. Mais à bas les entreprises de France ça fait de vous l’ennemi désigné de tout le monde ! C’est un non sens.
Dans les années 60 le mot qui revenait le plus souvent dans les bouquins de management c’était le mot hiérarchie. Ce mot avait défini le taylorisme, le fordisme, il indiquait une structure pyramidale et un mode de fonctionnement. Et puis est arrivé le toyotisme. Il s’agissait dès lors de faire adhérer l’employé aux « valeurs » de l’entreprise, il a cessé d’être un ouvrier pour devenir « acteur » de son outil de production. Pour être plus clair on l’a fait participer à sa mise en servage. La hiérarchie n’a aucunement disparu, en fait elle s’est même renforcée, mais on n’en parle plus. On ne parle plus des ordres de la direction. Le mot qui revient le plus souvent dans les livres de management moderne c’est celui de projet. On peut désobéir à un ordre, on ne désobéit pas à un projet, on en discute…
Glissement sémantique du capitalisme
D’ailleurs ce mot de projet a envahi notre propre champ lexical. C’est normal, c’était le but. On parle de projet de vie, comme si vivre n’était pas un projet en soi. On parle de mise en place d’un projet de réinsertion et plus mise en place de mesure de réinsertion. Parce que non seulement un projet ça peut échouer mais que « mesure » ça contraint le patronat et l’état à mettre en place une mécanique et un cadre juridique. Et ce n’est plus le seul mot qu’on essaye de faire disparaitre ou qui a disparu pour lisser le discours du capital et retirer à ses adversaires les mots pour le désigner. Vous n’avez pas remarqué par exemple que le mot « chômeur » est associé de plus en plus au langage trivial tandis que les médias préféreront celui de « demandeur d’emploi ». Pourquoi demandeur ? Si ça se trouve le monsieur ou la dame qui a payé des cotisations pour ce droit légitime n’a pas envie de réclamer un emploi. Il ne demande rien. D’ailleurs pourquoi « demander » ? Je ne demande jamais un emploi, je réponds à une offre. Et cette offre ne correspond pas à mes besoins mais à celui d’une entreprise. C’est elle qui est demandeuse en réalité, pas moi, On ne m’offre rien, c’est moi qui offre. J’offre mon intelligence, mes bras contre un salaire qui ne correspond à rien sinon une convention collective. Une hiérarchisation des salaires décidée non pas par un mouvement d’entreprise mes doigts mais par une négociation entre les patrons et ceux qui me représentent en théorie, les syndicats.
Prenons deux cuisiniers, des chefs de parti, l’un et l’autre touche un salaire sensiblement identique qui correspond à une convention. Le premier n’a aucun diplôme, il pratique son métier d’une manière approximative mais il a été désigné chef de cuisine. Le second est diplômé, il pratique son métier comme il l’a appris à l’école mais la hiérarchie a décidé qu’il serait en dessous du premier. Pourquoi ? Comment est-ce possible ? Parce que la hiérarchie est injuste ? Non, parce que l’on ne parle plus de métier mais de compétences. Une compétence désigne une aptitude. Par exemple je suis compétent pour me gratter l’oreille. Un métier désigne un apprentissage, un savoir-faire, et je n’ai besoin d’aucun savoir-faire pour me gratter l’oreille. Vous saisissez la nuance ? « à compétence égale, on engagera le moins cher »…. Vous comprenez le sens de cette phrase maintenant ? La seule compétence égale que j’ai avec mon voisin payé moins cher c’est qu’on peut tous les deux se gratter les couilles. En revanche saura-t-il aussi bien travailler que moi ? Pas sûr.
Mais je ne devrais pas utiliser le mot travail. Le travail a disparu, aujourd’hui je remplis un emploi, je suis un employé ou un « demandeur » d’emploi…. Le tout sur un « marché » de l’emploi. Un emploi c’est un contrat entre un employeur et un employé dans le but de la réalisation d’un travail. Rien de plus : un contrat. Votre CDD, votre CDI, c’est ça l’emploi la nature de votre contrat qui défini le cadre d’une tâche a effectuer pour un montant x. Un travail engage en revanche une production, un outil de production et un savoir-faire. Engage surtout un travailleur. Autre mot qui a disparu du champ lexical. Maintenant on préfère parler de salarié. Non pas désigner une personne dans un contexte, le travail, mais par le moyen de paiement. Bah oui il faut bien rappeler ce que vous risquez si vous voulez rompre les termes de votre emploi. Si vous voulez revoir même votre emploi, votre contrat. Bref si vous ordonnez un mouvement social. D’ailleurs on a fait mieux, on a répété à l’envie que le mot travail désignait un objet de torture. Etymologie du superficiel, alors qu’une étude linguistique plus poussée montre que le mot serait plus proche de la notion de voyage, de traverser, d’aller vers un but nécessitant de surmonter des résistances. Et on a d’autant propagé ce concept que l’idée est de faire totalement disparaitre le travail. Au bénéfice d’un contrat, et un contrat ça peut se rompre.
Guerre culturelle
Quand George Orwell écrivit 1984 il avait en tête de dénoncer le totalitarisme dans son ensemble. Le totalitarisme et comment notamment il travesti les mots, l’histoire et défini les termes de ce qui est vrai ou non. Pourtant toutes les adaptations du roman reposent leur iconographie, leur univers sur le seul totalitarisme soviétique. Ce n’est pas le moins du monde un hasard. La première adaptation cinématographique a bénéficié des fonds secret du programme culturel de la CIA. En 1984, il y eu une nouvelle adaptation avec John Hurt, je ne sais pas pour la CIA mais je peux d’autant en parler que je suis allé voir le film à mon retour d’URSS. Et à nouveau le film s’inspirait du totalitarisme soviétique. Et si vous voulez vous en convaincre, comparez maintenant l’iconographie d’un autre film, Brazil. Brazil dénonce également le totalitarisme, mais le totalitarisme dans son ensemble, le totalitarisme désidéologisé. Le nôtre, celui que nous vivons aujourd’hui, et son iconographie emprunte cette fois non pas à l’ère soviétique…. Mais à l’Angleterre de Thatcher. Reste qu’aujourd’hui, dans l’imaginaire collectif, 1984 est associé à l’ère stalinienne, c’était le but. Et ailleurs c’était le monde « libre » comme le savent bien les opposants à Pinochet…
Depuis les années 50 le capitalisme est engagé dans une guerre culturelle et sémantique. Aujourd’hui il joue sur les termes de la perception. Par exemple on parle à l’envie de « créateur de richesse » Or d’une part le mot « créateur » est emprunté au champ du sacré puisqu’il désigne quelqu’un qui tire quelque chose du néant, par exemple Dieu. Et richesse implique une notion d’abondance. On est donc même plus dans le registre de l’entreprise mais celui de Midas. Un créateur d’abondance. Mais quelle abondance exactement ? Une abondance d’outils de production, de produits, de bienfaits quelconques ? Ou de Porsche dans le garage ? Les patrons ne créer pas de la richesse il fabrique de la valeur. Ah oui mais vous me direz mais si ils créent de la richesse parce que ça fait plein de sous ! Mais où est-ce que vous avez vu que d’avoir plein de sous impliquait de la richesse ? Vous n’avez jamais entendu parler des mots dévaluation ou inflation ? En 1933 en Allemagne il fallait plein de sous pour s’acheter un pain, une brouette complète. De plus, un patron ne tire pas quelque chose du néant, ce n’est pas lui qui créer, ce sont ses employés, ce sont les travailleurs, fort d’un savoir faire qui, dans le cadre d’un contrat, réalisent quelque chose. Le patron lui dirige. Ce n’est pas sortir quelque chose du néant que de diriger. Diriger étymologiquement ça veut juste dire mettre en ordre, ranger, hiérarchiser. Le fouet dirige, l’esclave produit de la richesse. Et celui qui tient le fouet décide de sa valeur.
De la valeur du produit, mais également du travail et à forcerie du travailleur. C’est pour ça qu’il n’y pas non plus de « marché » de l’emploi. Un marché se défini par une offre par rapport à une demande. dont les prix sont indexés sur les coûts et les outils de production. Les entreprises ont des besoins. Les contrats de travail sont une demande indexés sur ces seuls besoin auquel on répond par l’offre d’un savoir faire lui-même indexé sur la notion subjective et fausse de « compétence ». Ainsi on pourra dire à tel jeune diplômé qu’il est trop jeune et à un autre qu’il n’a pas les diplôme requis. Son savoir faire réel ou supposé n’intervient nulle part et un contrat de travail n’implique nullement le coût de production mais la valeur que l’on souhaite en tirer.
Dans cette guerre culturelle le terme d’ouvrier a disparu du lexique médiatique. Il a tellement disparu des bouches qu’il a fini par disparaitre des esprits, et la plus part des français pensent que la population ouvrière est en train de rejoindre celle des agriculteurs. Or les ouvriers représentent quand même 20,4% des travailleurs, Troisième force en termes de catégorie sociaux-professionnelle. Mais ils disparaissent des esprits de sortes que la question ouvrière qui avait animé tout le XXème siècle soit remplacé par « la question de l’emploi ». la question autour non plus d’un métier, d’un savoir faire, d’une condition sociale, mais autour d’un contrat, d’une compétence, d’un projet de vie. Mieux encore, on a délibérément entretenue la confusion entre petit et grand patron avec le terme entrepreneur. Un entrepreneur créer et dirige une entreprise, il peut s’agir de fabrication de barbe à papa ou d’ordinateur portable. Ce n’est pas le même domaine, ni les mêmes contraintes, ni le même niveau de financement mais cette confusion lexicale permet de faire croire que si. Ainsi on va entendre machin ronchonner qu’on n’aime pas les patrons en France, et que si on veut savoir comment c’est trop dur on a qu’à créer une entreprise. Et Macron de pouvoir entretenir la confusion en faisant marcher la fibre de l’épicier, déclarant en 2012, que la vie d’un entrepreneur était plus dur qu’un salarié parce que lui il pouvait tout perdre. Le petit patron qui galère pour se payer son premier salaire ne peut qu’adhérer à cette notion totalement fausse.
D’une part, un salarié peut également tout perdre du jour au lendemain comme le savent les ouvriers de Mital, Carrefour, Bernard Arnaud, du Pas-de-Calais, de la plaine Saint Denis et tous les endroits où le chômage a fait des ravages. D’autres part quand machin ne vend pas son prototypes d’épluche patate, il en est de sa poche, Serge Dassault lui peut compter sur l’état c’est-à-dire nos impôts pour réparer ses erreurs industrielles. Le CICE n’était pas destiné à aider les petites entreprises mais le CAC40 qui s’en est servit pour reverser des primes et des dividendes. Une confusion qui tend à vouloir faire croire que les petits patrons sont des dirigeants comme les autres alors qu’en réalité ce sont des ouvriers, le bas de l’échelle et qu’il n’y a pas le moindre rapport entre le patron d’une usine de papier et Bolloré.
Croyez-moi, mon père était un petit patron. Il n’a jamais dépassé le stade de deux employés, il a travaillé toute sa vie plus de dix heures par jour avec quelques unes des plus grosses entreprises au monde, et il a fini ruiné. Il n’a pas fini ruiné en raison de son incompétence mais en raison d’un marché qui l’a éjecté du circuit. Cargill, un de ses plus gros clients a pu absorber le choc pétrolier en raison de sa taille, mon père lui se l’est prit en pleine figure et ne s’en est jamais complètement remis. Et ainsi on parlera de Mouvement des Entreprise Françaises, entretenant une confusion qui ne profitera qu’aux milliardaires de ce pays.
Le fascisme libéral.
« La baisse des charges sociales nous fera gagner en compétitivité ». Cette phrase type nous l’avons tous entendu 2000 fois, sous cette forme ou une autre. Et même parfois, pour ajouter de l’angoisse à la peur, on précise, « nous n’avons plus le droit à l’erreur en ces temps de mondialisation. » Déjà, ne plus avoir droit à l’erreur ça s’appelle le fascisme. Ensuite il ne s’agit pas de charge, mais de cotisation, et des cotisations qui profite à tout le monde, même à l’entreprise. Un ouvrier se blesse, ses frais d’hospitalisation sont à la fois payés par l’état, l’ouvrier et l’entreprise. Chacun met un peu la main à la poche. L’ouvrier peut se soigner, l’entreprise est couverte et l’état n’a plus à sa seule charge le personnel soignant. Et le tout forme un contrat social. De plus cela repose sur un postulat qui n’a aucun lieu d’être. Monsieur Durant, fabriquant de montre à Roubaix n’est pas en concurrence avec monsieur Wong, fabriquant de montre à Hong Kong, ils sont tous les deux en concurrence avec Sony qui fabrique notamment des montres. Là effectivement il y a une compétition. Et une compétition parfaitement déloyale puisque ont l’expose à un marché globale. Et quand je parle de marché globale, je ne parle pas de marché international, je parle d’entreprise globale qui non seulement n’ont aucun mal à concurrencer une PME mais mieux peut absorber la dites PME, la démanteler, faire une plus-value sur ce démantèlement et ainsi éliminer physiquement la concurrence. Alors de quoi on parle ? Prenons deux marques, X et Y. Toutes les deux appartiennent à une holding différente, rentrent-elles en concurrence ? Pas le moins du monde, même si elles vendent des produits similaires. La concurrence, la seule, elle est exercé au sein même des entreprises, entre les employés afin d’augmenter la valeur de l’entreprise. On licencie par exemple deux milles personnes et on obtient avec moins de monde exactement la même production, voir plus. La valeur de l’entreprise a augmenté, les employés sont pressurisés, mais on préfère le mot « optimisation du temps de travail ». Et ainsi 2,3 millions de personnes dans le monde peuvent mourir par an en raison de leur seul travail.
Mais ça ne suffisait pas. Les grands patrons ont parfaitement compris que le révisionnisme lexical ne pouvait pas se limiter au seul monde du travail. Tous les mots qui fâchent ont été repassés à la moulinette de la novlangue libérale. On ne dit pas les pauvres, on parle des « défavorisés ». D’un côté on définie un individu par un statut économique sur lequel on peut rattacher un certain nombre de raisons structurelles. De l’autre le mec a pas eu de bol. On ne parle plus de réfugiés, mais de migrants. On ne parle plus d’individus cherchant un abri pour des raisons objectives, on parle des cigognes. Comme si les gus sur le bateau avaient vocation à ne faire que migrer, passer d’une région à l’autre sans s’arrêter, jamais. Le riche migre au Touquet pour la fin de ses vacances. Le pauvre lui essaye de s’installer quelque part. Et le plus beaux, c’est qu’à l’intérieur même de cette population, puisqu’ils ne font que « migrer », le réactionnaire pourra faire un distingo entre le « migrant » économique et celui qui tente d’échapper à la guerre. Le migrant qui ne trouve pas de boulot chez lui, sûrement parce qu’il est trop feignasse, alors il vient piquer celui des français. Et le migrant opprimé qui ferait mieux de rester chez lui et de résister sur place… comme De Gaulle par exemple. On ne parle plus d’indigent mais de Sans Domicile Fixe ou de Mal Logé quand on loge chez les autres. La question n’est plus sociale ni économique, elle est rattaché à la valeur locative. Et c’est tellement vrai que lorsque moi-même je racontais que SDF je logeais à l’hôtel au mois, quelqu’un m’expliqua que je n’étais pas SDF puisque je ne dormais pas dans la rue. D’ailleurs ça veut dire quoi « mal logé ? ». Actuellement je ne loge pas chez les autres mais je suis affreusement mal logé. Le loyer coûte un œil, mon bac de douche est trop bas, il fait plus chaud dedans que dehors en été, et plus froid en hiver. Je tourne à l’électricité, ce qui du coup me coûte une blinde pour me chauffer, et en plus c’est minuscule ! Alors que quand j’étais officiellement « mal logé », je vivais chez ma mère dans une maison de 150m² avec jardin, je ne payais pas de loyer, et je bénéficiais du confort d’installations luxueuses dans lesquels je n’avais pas investi un centime !
Pourquoi pensez-vous qu’on ne parle plus de femmes de ménage mais de technicien de surface ? L’un désignait une tâche, le ménage, donc un travail, un savoir faire, l’autre définie un périmètre et suggère une technique sans la définir. Et qui plus un périmètre sans limite. Une surface pouvant aussi bien désigner une fenêtre qu’un terrain de foot. Et mieux encore, aujourd’hui, la même femme de ménage, qui fait exactement le même travail, sera un agent technique. Là on est allé encore plus loin puisqu’on ne fixe plus du tout de périmètre et donc de limite à la fonction. Une fonction parfaitement abstraite. Un agent n’est pas une personne c’est une entité, une entité qui a une action déterminante, et apparemment employant une technique. Laquelle ? A quel usage ? On sait pas. Si mon poing partait, par exemple, dans la face de Macron, mon poing serait une entité avec une action déterminante, employant une technique, par exemple la boxe anglaise. Et voilà la dame du ménage et mon poing rendu à égalité.
Il en ira de même avec les syndicats, qui cessent de l’être pour devenir « partenaires sociaux ». Or un syndicat est là pour défendre les travailleurs, pas devenir le partenaire du patron. Seulement cette désignation permet d’éliminer ce vilain mot de « syndicat » pour figurer une complicité, une entente dans le plan de licenciement. Et d’un coup le défenseur des travailleurs devient le complice du patron. Et dans cette même logique de dénaturation, de déshumanisation, toute idée remettant en question ce constat, pour peu qu’elle soit étayée par un discours et émise par une personne vivant dans une condition sociale favorable sera qualifié d’idée de « bobo ». Littéralement un bourgeois bohème. A savoir un bourgeois avec des idées bohèmes, sous entendu il ne connait pas « les réalités sociales ». Et tant pis si la réalité est une affaire de perception et de subjectivité, tant pis si choisir de venir en aide à un réfugié et non à un « migrant » n’a rien d’une idée bohème mais d’une position humaniste. D’ailleurs qu’est-ce que ça veut dire « connaitre les réalités sociales ? » Zola ne connaissait pas la réalité ouvrière, il constatait la situation sociale du monde ouvrier, il l’observait. Marx aussi était un bourgeois, il a pourtant parfaitement démonté le mécanisme du capitalisme. Hugo était fondamentalement bourgeois et bohème par obligation est-ce que ça devait lui interdire de réfléchir et d’écrire sur la condition sociale des ouvriers ? Mais déshumanisez l’ennemi idéologique dans l’intervention de trois minutes d’un réactionnaire comme Zemmour, associez ça au mouvement de 68, et de 68 seulement, et une position politique s’inscrivant dans une tradition humaniste devient une tocade de gamin. Une tocade de gamin, nous dit le même Zemmour, qui a totalement dénaturé la société, mieux qui a fait des immigrés le « peuple révolutionnaire de l’extrême gauche ». Glissement sémantique une nouvelle fois puisque les immigrés ne sont pas devenu « le peuple révolutionnaire » d’une cause, ils ont simplement remplis les usines au côté de l’ouvrier français. Et que faisait cette gauche là, depuis toujours, défendre les intérêts des ouvriers, des travailleurs en générale indifféremment de leur origine géographique. La capitalisme verrouille le discours, et charge ses chiens de garde d’en interdire l’accès.
Et le client devient consommateur. Il n’est plus une entité avec des besoins et des exigences spécifiques, c’est juste un veau a qui on donne son foin, une mâchoire et système digestif. La compétence permet de faire d’un savoir-faire, un apprentissage, une marchandise. Une entreprise américaine peut pucer ses employés comme des animaux de compagnie. Mais heureusement, n’oubliez pas : « le travail rend libre »
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.