Dithyrambique, c’est comme gargantuesque, c’est pas un mot qu’on place facilement dans une conversation. Ça pose sa phrase, ça lui fait comme un genre de décor roubignole avec un gros panneau attention c’est la farce. Ça claque mou en somme. On a plus envie de mots comme phacochère, anacoluthe, ou myrtille. Mais ça non plus c‘est pas facile à placer dans une conversation, sauf si on cause recette, figure de style et animal sauvage dans une même discussion. Ce qui est, on en conviendra, assez rare. J’ai jamais vu débouler de girafes dans l’échange de politesse entre un architecte tu vois quoi et une libraire post moderne, tatouée Manga. Pas plus que le verbe ne s’invite à la table de Martine et Gérard, dans la tiède langueur alcoolique d’un mariage banlieusard. Le mot est souvent faible dans les bouches, l’orateur bourdonne et l’image fixe. L’oreille se distrait. On n’a pas la répartie cinéma, le débit orienté grande manœuvre, on bubulle des approximations de phrase, on tâte, on n’écrit pas, on cause. On synergise avec l’autre, on lui dit tu vois quoi, et on ne le dira plus jamais, plutôt se crever la langue. Puis il y a les codes, l’argot, le parlé frais, ca se porte. Ça s’emprunte pas. Tu fais toc à rouler du verlan quand t’affiches Jean-Pierre de l’auto-école, surtout en présence. Ça rebondit sur le lascar, ses yeux c’est des mollards et t’as le mot qui te pends aux lèvres comme une bite de smiley. Et bon faut voir quoi, la causerie rue c’est un tempo, une cadence, ça se débite pas, ça se savoure. Ça se place. C’est pas le mot pour le mot oualla cousin je te jure, il y a une danse et ça s’apprend en écoutant. Et les gens écoutent peu en général. Mais quoi foutre, on y est pas, c’est l’avantage du silence, avant qu’on le graphite, il ne répond pas. Il vous ignore même, ou il fait semblant. On laisse aller, on entasse, on bricole, on est maître. Les farceurs nous dispensent de leur fadeur, les femmes ne nous étourdissent plus, au cul d’un mur, on fabrique. Trop sait quoi, mais c’est pas la question, le propos, le sujet. Ici là immédiatement les mots sont sujet, verbe, complément, ils s’entassent en petits fagots continus. Ils filent à travers le crâne, se cherchent un dictionnaire, un lexique et peut-être qu’il n’y en a aucun. Faisons l’expérience du cumule. Ananas présomptueux d’amphigouri malsain, favoris vertébral d’un sémaphore allongé, mollement, dans les renoncules sauvages. Epice opiacé de mer du sud entassé et qui rime comme une merde en barbotteuse. Expérience lettrale, inspection intra anale d’un académisme mou du lecteur ordonné. De conversation privée il est anchois sur une tartine de beurre suédois. Impotent il gloupille dans le cadavre exquis d’improbables fabuleuses en hypothèses elliptiques. Songe et référence, ignorant le bougre la page ici, là, l’astronomie de la pinte qu’ils ne sauraient retrouver derrière le chemin de traverse qui de toute manière n’y est déjà même plus. A bord d’une caravelle année 70, mot magique d’argent inoxydable, Clinton Barnes est préoccupé. L’insatisfait et le furtif s’effilochent d’un nom, un début d’histoire, ils voient l’engin, argent dramatique dans le ciel faïence. Sentent-ils la poussée de cohérence, l’impalpable flamme, le manteau lexical, la saveur monotone des automnes sur la plage. Mais en tout cas ils aimeraient bien. C’est pas qu’on ne se sent pas volontaire que ce n’est pas le propos de l’opéra fariboleux qui picote dans le crâne. La chimie. 9.
Par exemple que vient faire ce neuf ? Enfant d’une faute frappe sur un clavier éclaboussé de tabac, il roupille sa vengeance d’être né sans avoir été voulu. Il s’enracine, se vipère, vitupère, récupère un siège dans l‘arrière-boutique des songes chocolats et te demande, bon alors pourquoi neuf ? Eh bé pourquoi pas ? Neuf chèvres qui cavalcadent dans le minéral, neuf nefs chapitrées de nerfs bleu aquatique, neuf bourgeons farcis de cristaux gluants qui charment le ciel et poussent au fond. Le filament blanc des racines suçant la moelle rouge et argileuse du plateau. Neuf, vieux, débris de souvenirs craquelés sur une feuille de papier jaunie. Frêle embarcation de mes trains de banlieue, époustouflance accidentelle et erratique de nuées oiseuses et éparses. La forme d’un pied, d’un pas qui se décide dans la boue. Le son du cuir qui se tend sur la peau. BRAAAAGLH !
M’tadbu, était fermier. Son père avant lui avait été fermier, ainsi que son grand-père, son arrière-grand-père et son arrière-arrière-grand-père avant lui, jusqu’au premier M’tabdbu qui lui avait été plus probablement chasseur-cueilleur. Il possédait deux vaches, trois chèvres et un mouton. Le mouton ne l’intéressait pas beaucoup, il le trouvait naïf. Les vaches guère plus d’ailleurs. Connues du paysage, figures de chocolat osseux qui toisaient le monde de leurs yeux violets, grouillants de mouches attardées, presque un emblème national pour les romains. Mais les romains ne les avaient, pour une raison ou une autre, pas encore atteintes.
Clapoticlapota, cric crac dans le pas de la boue, du cosmos, sur la pierre, osmose. Molles odeurs de sueurs dans un canapé jaune citron, Clinton Barnes rumine son alcool. Le Congo, le passé, il rumine depuis des années, des siècles. Et il rumine, tandis que Jozy, avec un z gribouille des signes cabalistiques de ses doigts difformes métamphétaminiques, critsalmeth, tout tu vois glauque et étincelant comme un ballon-balle, de champagne. Les doigts bruns font comme des serpents d’argent, graffitis siècle, temps anciens, sorciers, associations d’idée…bad trip, alors il raconte encore comment ils ont éliminé l’autre coco là-bas au Congo. Jozy pense aux machettes, elle a de drôles d’idées dans la tête. Mais pas encore. Pour le moment ils gisent dans le ciel, au-dessus de la canopée, au pays des rêves, qui n’est pas en bas mais en haut ma chère Alice, et vis versa. On redescend au pays des mythes post moderne et on se calme. Je fais ce que je veux c’est mon texte. Ne me sépare de la volonté de l’aboutir que l’angoisse du travail inachevé, l’avis du lecteur je m’en branle. Et c’est bien d’un travail que voilà avant et tout plutôt qu’un art bordel ! Un taf, Du taf. De celui vrai, de celui qui laisse des doigts calleux, le cerveau rodé, structuré, le verbe agile, le mot soyeux. Et nique sa mère la pause…j’ai le sens de l’orthographe créatif, mais pas seulement, il faut savoir exploiter ses défauts parfois. Tu crois que t’es le seul à poser le texte ou quoi ? Tu te crois vraiment embarqué tout seul dans cette sale affaire hein, con de lecteur qui veut pas faire d’effort. Mais c‘est horrible, il se raconte ! Pendant que moi je planais ! Hé descend gros, tu vas apprendre à lire d’abord. Tiens par exemple moi je suis amoureux en ce moment, ça t’en bouche un coin hein ?
Il y avait Ava, Ada et Wafa. Mais on les confondait parfois. Ada était la plus vieille, qui toisait le monde du haut de son mètre zéro trois et braillait d’autorité que ça allait bien comme ça l’écho bordel. Ava l’entredeuse, noire et blanc comme un damier, toujours à avoir l’air de sous-peser le pour du contre. Enfin il y avait Wafa, dont M’Tadbu était amoureux Que les scabreux fasse demi-tour avec mon pied au cul, c’était un amour platonique mais tout entier et sincère dont seul une bête affaire de génome empêchait la concrétisation. Et surtout c’était un amour réciproque. Wafa aimait autant M’Tadbu qu’’il l’aimait. Il y avait quelque chose d’à la fois sauvage et magnétique qui les attirait l’un vers l’autre. Il suffisait qu’il la regarde pour qu’elle sente la puissance de ses mains sur elle. Il était à la fois son guide et son firmament, cette cristallisation obscure qu’on se fabrique au fil des déceptions sur le monde et qui brille comme un diamant secret sur son cœur. Il lui avait cambriolé. Il était tout ce que n’était pas le monde, il était gentil, calme, compréhensif, et surtout il n’était pas comme ce con de mouton, naïf. Il était l’espoir d’un monde meilleur comme on l’incarne parfois dans l’œil de l’autre. Mais pour le fermier elle n’était pas un espoir, il savait que quand bien même il l’aimait comme une femme, elle n’en serait jamais une, et lui ne serait jamais son bouc, mais… mais quand elle se levait le matin et qu’il sentait l’odeur chaude du sommeil s’évaporer de sa peau, il y avait dans l’atmosphère comme un parfum de printemps. Mais quand il regardait la nacre rose de son ventre, son poil blanc luisant sous le soleil comme une gloire, la vie devenait de la poésie à la liqueur de chenille. Mais quand elle défiait le monde et l’équilibre sur la roche lisse des plateaux, il voyait le firmament, des enfants mi-homme mi-bouc, des faunes en somme, courir partout, et cette vision finissait de le plonger dans l’amertume d’un impossible rêve. Alors il sortait le tabac de sa tabatière et se fumait une pipe bien tassée. La pipe avait la saveur amère des songes creux et la chaleur rassurante d’un médicament contre l’âme fendue. Et puis BRAAAAAAAAAGHL.
Mais qu’est-ce donc ?
Lecteur chafouin lâche l’affaire, ce texte n’est pas pour toi, admets-le. Tu n’es pas assez mûr, tu n’as aucun temps à perdre et moi si, tu n’entends rien à l’inspiration et moi si. Tient par exemple si je te disais que j’écoute Jean Sébastien Bach, Jésus que ma joie demeure, aurais-tu seulement l’idée de l’écouter sur Youtube que tu n‘atteindrais pas mes firmaments. Abandonne lecteur chafouin, Clinton Barnes n’est toujours pas sorti de ses divagations, mais Jozy l’écoute avec goût et saveur. Et moi du Bob Marley derrière Jésus… ça manque quand même sérieux de drogue tout ça.
Aaah la drogue.
Dans le catimini de la jungle, au creux d’une vallée, elles étaient là qui suçaient le ciel et les étoiles et dispersaient leur vent bleu vers les confins duveteux. Les oiseaux n’y volaient plus de peur d’y mourir d’extase et de mots, les romains y seraient restés figés comme des automates en panne, les villageois s’étaient éloignés, il y a des mystères qu’on ne dévoile jamais, des rêves qu’on ne prend pas aux autres, mais les mots venaient parfois chanter le soir dans le crépis du monde. Les lucioles saphir maman de leurs extravagances végétales, dansotaient un tango sexuel et verbal dans l’air du soir, chaud et humide comme le calice d’une femelle en rut d’ébène sévère. Stéphane Mallarmé je t’emmerde. L’axiome sauvage d’une outrance occurrence dans la chair du corps du texte, gratuité du transport, Mallarmé je t’emmerde, acceptation libre de nos pensées intercroiseurs, âpreté du geste sans rien rétrocéder, création d’un espace diurne dans lequel soulever la jupe du temps, et y laisser l’impression d’un opium, sans l’ombre d’un dross, c’est ici ma chère Alice que le chemin décroise et se recroise pour tisser le corps entier de ton tapis de prière mon ami lecteur. Car vois-tu ici tu te fais expliquer la lecture autant que l’écriture, alors ferme ta gueule à ta conscience frustrée, le départ c’est pour bientôt.
Braaaaaghl disais-je donc. Oui parce que j’ai beau être naïf je n’en suis pas moins mouton, et les moutons ne font bêtement bééé comme dans les stupides livres en couleur des romains, mais BRAAAAAAGHL ! Ou un truc dans le genre. Braaaghl comme dans nom de dieu de bordel de merde.
Et puis après le mouton avait fait un saut périlleux. Arrière.
Les mots étaient arrivés par la voie lactée d’une petite clarté, un matin brun. En petit bout dans la bouche des voisins. Des mots comme pédoncule, pharisien, romain se roulèrent sur les langues et délivrèrent leurs messages rouquins. Des mots chatoyants comme volubile, qui fut le premier qui vint à l‘esprit de M’Tadbu quand son mouton fit un saut périlleux arrière. Volubile, il trouva son mouton soudain bien volubile, pour autant que ça ait du sens de trouver volubile un mouton d’un naturel plutôt taiseux, au fait d’un exercice de gymnastique tout à fait improbable pour un mouton. Plus tard le mouton témoigna.
BRAAAAAGHL !
Enfin, ça c’est lui qui le dit. Un mouton qui parle, même moi ça m’emmerde. Tu crois quoi putain de lecteur que j’ai envie de gnangnanter tout le temps, te faire un beau compte de faits… hein elle est pas mal celle-là, au lieu du conte de fée que t’attendais avec des mots aussi chatoyants que volubiles ? Hé bien justement tu veux savoir quoi, ça m’emmerde, oui je le dis haut et fort à cette phase précise du texte j’ai plus envie, je veux juste tourner la page et puis c’est tout, une autre page. J’écris une nouvelle gros, faut que ça aille vite, que ça te passe comme un fruit dans ta gorge, que ça te fasse gloups dans ta face, remarques-tu seulement où je t’emmène avec mon interface ? Ma capillicole volonté de terminer au lieu de te laisser là comme un couillon de bernique, ami lecteur de mes matins prodigieux. Bon, en gros le mouton bêle, fait un saut arrière, ça fait très cartoon, le mec se lève, l’a jamais vu ça le mec, un mouton gymnaste, alors il va voir et patatra rien. Wallou, whalla cousin je te jure sur le Coran de la Mecque, juste de l’herbe broutée. Alors il se penche et regarde l’herbe, et là il a un mot et pis une palanquée qui lui viennent dans la tête, c’est un bouquet c’est une touffe, c’est des gerbes d’étincelles verbales, de joutes maxillaires, de tricotis de mots indélicats dans la bouche délicate, c’est la belle ordonnance cuivrée de sa déclaration d’amour à sa chèvre, et il se dit que pourquoi pas tu vois le mec. Et là se bourre la pipe avec.
Respiration.
Le lecteur, instruit de quelques grammes supplémentaires, dans son âme étriquée, repose, l’ouvrage, ouf. L’écriteur, d’humeur rimeuse comme un pinçon de juillet, jubile sa petite farce tout en se roulant un ancêtre, histoire d’avoir du climat. La vapeur bleue monte vers le ciel, M’tadbu essaye de paner le rythme de son cœur qui bat comme un tambour à la danse, manque une cartouche de rose. Et c’est reparti…
Les mots montent dans mon esprit et s’entre-collent, je suis la plume et vous êtes ma page, un souvenir triste traverse mes mensonges éveillés comme une mésange endormie. Le samedi et plat et cafardeux tel un après-midi de divorce, il enchaîne, il est France, et tu travailles dans ton arabie. Mais de quoi qui cause ? Rien je soupire entre deux respirations, ça t’arrive jamais de soupirer toi, con de lecteur ? Et je repars, de plus belle, dans mes envolées fumantes d’un nuage de givre dans l’atmosphère ouatée de sa bouche, un hiver de septembre. Je divague, je digresse, je laisse aller comme une vague, un reflux, et je m’en vais, et je reviens… Clinton Barnes a fini sa bouteille et sa boîte de capotes. Elles trainent autour du lit défait comme des crachats jaune concentriques, dans l’une d’elles un mégot a fini écrasé, le filtre y fait comme une cartouche plantée dans un mollusque bâtard. Ça sent la transpiration et le whisky frelaté, Jozy joue avec les boucles de sa chatte en songeant à des envolées d’acier, au chaos des airs, à des sangles tranchées comme des jugulaires. Je descends, Clinton descend avec moi de son hydravion alcoolique. Il pose un pied par terre, il a mal à la bite, et l’estomac en feu à cause du whisky de sous-marque chinoise. Il attrape un mégot dans le cendrier et le rallume. Dans sa tête flamboie une nuit sous les tropiques, les cris étouffés d’un gars sanglé comme un cochon, un rêve qui se brise durablement, un voile épais et léopard tombe. M’tatdbu se met à penser, épicés épicentres volubiles et sans conséquences, charnels et impossibles soupirs, ciels éclaboussés de mille regards scintillants, firmament ô mon firmament ! hurle-t-il, avant de retomber sur ses fesses sans comprendre un traître mot de ce qu’il vient de vivre. Il est bouleversé. Possédé. Pris du dedans qui sent les mots cavaler partout comme des gosses dans une crèche sauvage.
Respirate, escucharmusicapor favor, ballade.
La déclaration gargouillait au fond de son destin comme une marmite de l’enfer planté dans ses tripes, se tapissait de tous ces nouveaux mots inconnus et demeurait en remugles rougeâtres, incandescents, indécents, assonances des incidences, des virgules, des respirations, des silences, intercalés entre l’émail des mots. Une cathédrale, il lui bâtissait une cathédrale. Une cathédrale pour une chèvre. Il y eu beaucoup plus.
Au début, au village, on ne remarqua rien ou pas grand-chose. Parfois il sortait de sa bouche un mot inconnu ou sophistiqué, voir les deux, mais comme il en sortait dans d’autres bouches depuis que cette mystérieuse plante avait poussé sur le plateau, crachant ses floraisons comme un rut cosmique, on ne s’alarma pas immédiatement. Jusqu’à ce qu’il se mette à parler une autre langue inconnue à ce jour sauf du Molo Ko Pio, du chef coutumier, le seul du village à avoir rencontré les romains.
Or il en est des croyances ici comme certaines chez ces romains, que parler une langue qu’on n’a jamais apprise est une diablerie. Surtout qu’à ce qu’en disait le chef, M’tadbu débitait n’importe quoi, des mots inventés comme faramineux ou septentrional. Bientôt on se mit à le regarder de travers, les enfants chargés de le suivre, l’espionnaient pour le compte des tantes et de sa femme quand il partait se réfugier sur le plateau. Car au fond de lui M’tadbu vivait un enfer intérieur, il ne trouvait pas les mots. Il manquait de musique, d’air, d’espace, ici au milieu de l’espace et du grand air, il étouffait. Un comble. Un dommage affreux.
Alors il lui dirait adieu. Voilà, ça serait ça sa déclaration, un adieu.
Laisse-moi tomber mon amour, oublie-moi, ce n’est pas bien ce qu’on fait là, à s’aimer de feu comme ça sans rien pouvoir. S’aimer de feu il a dit ? Oui, il a dit, il a dit. De feu, de foudre zé de lumière, s’aimer comme des fous et ne faire que chanter, toi dans ta langue, moi dans la mienne, chanter à n’en plus pouvoir, oublie-moi Wafaa, je ne suis pas pour toi et toi pour moi. Tu es trop, tu m’étouffes, tu me ploies, tu me charmes, tu m’éclates, et je sais même comment tu fais ça, t’es qu’une chèvre.
Une chèvre ? Sa chèvre ? Wafaa ? Oui, oui…. c’était un signe, il fallait les séparer, manger la chèvre, ou la donner au chien, on hésitait. Et en attendant… rien, on continua à l’observer pendant que Jozy montait lentement dans son avion. Un avion-cargo.
Il transportait des voitures japonaises en forme de rasoir électrique. Des voitures savantes, avec GPS et toute l’informatique possible. Chargée de la sécurité, elle les sanglait à l’aide de grosses sangles en nylon. Sur sa cuisse battait la gaine de sa machette. Jozy ? C’est quoi cette machette ? lui demanda la petite voix dans sa tête, mais Jozy n’écoutait pas sa petite voix, elle en avait. L’une d’elle s’appelait Clinton Barnes, un vieux client.
Proximité inouïe des préambules vulgaires, alarme, sirène, sponsor, du sort de ta mère. Funambule. Je t’aime, infiniment. Répétait le sauvage dans la brume de ses nuits. Sa femme n’en pouvait plus, les tantes caquetaient entre elles, mais les tantes caquetaient tout le temps, et il était heureux. Seul, mais heureux.
Un fou quoi.
Chez les romains on traite les fous au médicament, ici on les traitait au gourdin, enchaînés comme un animal quand le fermier montra de très nets signes d’agressivité envers les importuns qui l’importunaient. Ingala romain, de sorte qu’on comprenait très bien quoiqu’on en dise. GoroMabimdu ! Par la queue du diable vous allez me foutre la paix bande d’importuns dithyrambiques, de singes cons, d’enfants de salaud !
On l’enchaîna, le gourdina, on lui refit le portrait il prédit. Ça va vous tomber sur la gueule vous avez pas idée ! De quoi qui va nous tomber sur la gueule demanda le chef qui comprenait très bien le romain, le Japon brama M’tadbu.
Et le Japon chut.
Une tonne et demie de ferraille larguée par Jozy la dingue au-dessus de l’Afrique, comme ça pour le fun et la métamphétamine… ça y est le lecteur échu réalise où on l’emmène, même s’il ne sait pas où il va, il comprend d’où il vient et ça s’éclaire comme des lampions, la cohérence du propos dans le tricot des mots, vois-tu la syllabe qui t’attend au coin de la larme, l’alarme. La lame, Lalane, lalalaneuh !
Pardon, tout ça pour dire que le malheur n’est pas nécessaire à la création, contrairement à ce qu’imaginent les apprentis écrivains. Mais ça serait trop long à vous expliquer.
Pose.
Je mange, tu permets ?
Coléoptères éventrés de chamanismes jovial et cynique, inopportune importance du sens dans la musique des sens, infortune à suivre pour l’esprit étriqué qu’on délaisse jamais en route car il se moque le bougre et ça bat avec le rythme, musical. Envois. Guitare. Dzoing.
Bon où j’en étais…
Ah oui, le gourdin, la voiture tout ça, et Jozy qui dansait n’importe comment avec sa machette découverte, avant de se laisser aspirer par le vide et de terminer dans l’atmosphère, dispersée par sa propre machette comme un hélicoptère fou.
Tu vois une image, lecteur con ? C’est déjà ça. Y’en a plein d’imagee dans mon album en couleur, je suis ta plume tu es ma page.
Stop.
Il pleuvait à torrent, et la nuit était tombée. Le Molo ko pio n’avait pas souffert. Mais tout le monde avait peur maintenant. M’tatdbu était recouvert de boue et de pluie, un gamin se leva. Il lui enleva ses chaînes, Celui-là n’avait peur que des fantômes. Il ne voulait pas que M’tatdbu jette un fantôme par ici. Ou que le Molo Ko pio… enfin bref il avait peur mais il avait sans discours ni attente, et enterrer les restes du chef selon la coutume….
Euh non en fait… ça se passe pas comme ça cousin au bled, même le prophète au village il y a les vieux qui doivent palabrer là. Alors pendant qu’ils palabraient pour savoir où et comment on devait enterrer le chef, M’tadbu alla libérer Wafaa et la traita désormais comme un animal soyeux à habiller de merveilleux. Comme il traita même son mouton, et ses vaches. Devenu autre, tout lui réussissait, il répara la voiture en observant son moteur intelligent. Remit de l’ordre dans ses affaires avec sa femme et ses tantes, et s’en alla avec pour seule compagne la fameuse chèvre. Biquette, comme l’appelle les romains. Et l’herbe, comme l’appellent aussi les romains qui n’y entendent décidément jamais rien. Car vois-tu cher ami peu importe dans quoi ton esprit veut bien s’incarner, t’inspirer, ça peut-être de l’herbe ou juste de la magie, une potion, un arbuste inconnu des cons, une chose bleue, va savoir. Et si ça se fume ci-devant, et bien c’est parce que c’est sensuel de fumer, c’est bon, c’est simple. Mais ça se mange aussi imagine, ça s’endurcit dans tes neurones ça se crispe, tu n‘es plus une étincelle tu es mille, un arc-en-ciel Emile, un arc-en-ciel. Un pain pour ton esprit, un espoir jamais vain. L’ivresse plus que le vin. Imagine.
Soyons pas chien pour la logique cartésienne, un con de nègre d’un pays sous-alimenté par des cons de nègres romanisés ne peut pas réparer avec ses doigts de pécore même pas répertorié, un diamant de technologie nippone. Pas plus qu’il ne peut se mettre à causer le romain, l’ingala ou le chinois berbère si ça lui chante. Pourtant il était bien devenu fou, pourtant il y avait bien des témoins, pourtant une voiture était bien tombée sur le village, et japonaise encore. Ah oui mais on va me dire, c’est de la fiction, dans la réalité même pas que c’est possible. Ahem… observe t-il les limites de la logique cartésienne dans le récit le lecteur chatoyant ? Le petit opuscule qu’il propose ici aux philosophes et aux malingres ? Aux bandits et aux misanthropes ? Aux assassins ? Observe-t-il le massacre, et pourquoi n’y concéderait-on pas après tout, se demander comment un nègre peut dépiauter un moteur plein de carte mémoire, redresser la carrosserie, ne savoir rien et comprendre tout empiriquement, pendant de longues semaines. Au village les vieux avaient décidé, on enterra le chef en grande pompe près d’un arbre désigné par le marabout. Le 1er fils du Molo ko pio devint chef à son tour et il prit son nom de chef au cours d’une cérémonie. Pendant ce temps les enfants allaient regarder M’tadbu bricoler dans son atelier. Il avait improvisé une forge pour les parties métalliques, pour ressouder il utilisait des baguettes de métal préalablement forgées à l’aide des débris arrachés de la carrosserie. Ce qu’il n’utilisait pas, il le reformulait en autre chose et transformait le produit. Les nègres font ça vous savez. Rien ne disparaît tout se transforme.
Un, deux, hop, hop.
Mais n’empêche, le robot japonais n’était plus très content d’avoir été ainsi tripotée dans son génie, et ils n’allèrent guère loin, d’ailleurs ils auraient voulu ils n’auraient pas pu. Une hyène était magistralement posée au milieu du chemin, ou une hyène, allez savoir avec ses animaux là. Bref une, et pis c’est tout ; magistrale.
La hyène fit caler la japonaise qui ne voulut plus redémarrer, et ricana. Ça ressemblait à un aboiement d’alcoolique, un truc sauvage lancé dans la nuit, à une chaîne. Le grand rire du diable. Le feu. Qu’est-ce qu’elle faisait là ? Elle-même n’en savait trop rien. Elle se souvenait être entrée dans une vallée pleine de buissons bleu, attirée par une puissante odeur de charogne et de foutre d’un oiseau cafard écrasé là comme un rubik’s cube de rubis et jaune. Elle en était sortie lettrée comme un dictionnaire, fleurie de milles idées, pleine d’une sacrée putain envie d’aller danser et de rire. Alors c’était pas une japonaise qui allait faire chier.
La japonaise, revenue à la vie n’avait pas cette idée en tête, dans ses neurones de plastique et d’or, elle ruminait sa vengeance d’avoir ainsi été balancée du ciel dans ce pays fabulé. Elle ne savait pas encore à quel point il était fabuleux. Elle causait binaire. Un zéro un zéro un, hein ?
Munition.
Recharge, M’tadbu sortit de la voiture, considéra la hyène un long instant, puis prit une pincée de son herbe charmée pour en bourrer sa pipe. Chamane.
Fins équilibres du verbe, le silence pour s’écouter les mots s’écouler en manteaux de vitupérences électriques, puis constater l’équilibre sans conteste, déteste, la peste dans ton texte Yann Moix.
Que viens donc faire cet importun ici ? dit M’tadbu à la hyène.
Vas t-en, Retro Sartana ! oui et pas Satan parce que Satan n’est pas un héros de western. Yann Moix non plus. Je rappe, ne comprends-tu pas l’indien ? Je glisse d’un disque à l’autre tout en racontant une histoire, je te mets une disquette comme disent les jeunes, toi le ô vieux lecteur des amphigouris maladives. Des poèmes en carton et de Jean d’Ormesson. Je brame, dans tous les sens du terme. Et le grand cerf te cannibalise le temps d’une chanson ludique. Tu fonce dans ta mémoire et tu n’y es déjà plus, tu goûtes le vide, l’absence.
Blanc.
Inspiration, expiration.
M’tadbu recracha une bouffée de sa pipe. Une volute s’éleva de dessous les braises, une autre de ses narines coléoptères bleu marine. Nobody know where inspiration comes from Alice, don’t guess, don’t try, and let it go.
Kiss.
Your love is my relief.
Stop.
Enchiffrement, mécanique bien huilé, des analyses mémoires, synapses bien ouvertes, sur analyse, et scan permanent, la machine se remet en route. Musicalité et décryptage, de je ne sais pas ce que tu fais ou tu écris au moment où tu l’écris, soignant, auto analyse. Mi private joke mi hommage, you got to stand up baby !Hindi Zhara, la belle vie qu’on peut se faire ma soeur…
Beautifull Tango…
Que celle de nos langues dans ta bouche mon ami lecteur que moi aussi j’imagine… secret words in spanish. Thankyou. Indien, chamane, marocain, shleuh, chanson, envois les longues mains qui ne me voit pas.
Le petit bonhomme dans ma cour coule comme un chardon sur la poésie à deux des paysans du bourg. Tu ne sais pas tu ne sais plus, tu nages dans la merde, dans le purin de tes propres incapacités, tu n’étonnes rien ni personne, tu détonnes sur tout et tous tu es un canon qui hurle, tu sens le soufre, tu crois et tu plies. Ce n’est pas une balade, c’est un fardeau, j’ai vraiment mal au dos, j’entends vraiment mes personnages, et je pense à tant d’autres choses pendant que tu sommeilles sous mes doigts con de lecteur. Qui fait l’autre ici de la chair du texte de la viande qui le lit.
Qui ensorcèle.
La pipe l’avait si bien enveloppé qu’il en avait oublié l’odeur de la hyène, et puis son rire de singe. Son rire soudain dans la nuit, son rire de pédophile alcoolique. Vieille solitude, cicatrice, comme des hommages au présent, écriture automatique, courage d’en dire, profite lecteur. Raccommodage. L’intempestif sauvage d’en savoir plus, extérieur mystérieux, simplicité du geste et complexité de la chimio intrasécoverbalistique, monastique, comme un insecticide dans l’interzone, tabac, liqueur de chenille et inout-inout. M’tadbu s’accroupit et contempla l’animal, elle frissonnait dans la nuit, l’œil glauque, la bouche rentrée pour le gloupil de mes songes fantastiques, elle ricanait bêtement. Complètement défoncée, cousin.
Bonjour mademoiselle la hyène, commença diligemment le fermier en s’accroupissant devant elle. Pensez-vous que c’est une bien bonne idée de vous poser là ? Le point d’interrogation, comme souvent, était agressif mais la hyène n’en tint pas compte. Dis-moi, nègre, crois-tu raisonnable de t’adresser de la sorte à un carnivore charognard qui pourrait te claper en deux coups de mâchoires ? Tu fais bien de souligner ce fait la hyène, répondit le fermier mais je ne suis pas une charogne, de plus, ajouta-t-il avec malice, les hyènes ne devisent pas et encore moins ainsi. Les nègres encore moins, fit remarquer la hyène avec autant de malice. Il semblerait donc que nous soyons atteints du même mal, comment cela s’est-il produit pour toi ? demanda le nègre.
Prout ! Je vais pas te décrire la suite, tu n’as qu’à l’imaginer en écoutant Karamacoma de Massive Attack.
Mais non ! C’est interdit de faire un texte comme ça, interactif ! Heureusement que c’est pas un livre tout entier ! T’imagine ? Non.
Anarchiste !
Va te faire foutre. Cher lecteur.
Nous repartons. Vois-tu, cher écriteur, il s’agit de terminer ses histoires, pas de les mettre en pointillés sous prétexte de faire genre, c’est un travail donc, et pas un loisir. Et ainsi fait hop, hop, la hyène et le fermier s’enfoncèrent dans les mots oubliés des frondaisons bleues d’arbustes déployés comme des missiles cubain vers un ciel étoilé. Ils y apprirent de nouveaux mots, une autre façon d’envisager les choses puisqu’après tout les mots ne servaient qu’à ça, La chèvre leur parla de son amour perdu, Ils décidèrent de l’appeler Gérard de temps à autre, la chèvre, vierge éternelle comme la neige du même nom, gloussait, elle était aux anges, M’tatdbu l’emmenait au ciel, rendue à son animalité, dispensée d’amour, elle jouissait comme une reine, rota, péta et se mit à parler dans cette nouvelle langue que les romains connaissaient si peu alors que c’était la leur. Enflure démoniaque qu’est l’amour n’est-ce pas que brailla la chèvre. Tu m’as dit adieu, bougre d’âne mais moi que pouvais-je répondre privée ainsi de parole. Alors adieu, oui mille fois adieu humain, impossible amant, promet-moi simplement de rester juste en toute chose et jamais me traiter en animal. M’tadbu promit, on alla voir la japonaise, lui faire respirer un peu de cette herbe, mais elle continuait sur sa lancée binaire. Un, zéro, hein, hein !? Hé ! teuh ! Vroom.
C’est facile de refaire démarrer une épave finalement. Le plus dur c’est où se rendre. Il n’avait pas encore fait chemin vers les romains, ni lu leur prose, ils ignoraient même que plus il s’éloignait de la vallée plus ils entraient dans celle pleine de larmes de leurs contemporains. Mais l’ouest leur semblait une bonne direction.
Sacerdoce velu, poids des responsabilités, plénitude incertaine émergeant des brumes du temps, descendre d’une vie de merde et sampler sur la glace des apparences pour pirouetter vers un autre univers, une autre page du restant de ta vie. Las Vegas Parano en fond sonore, mon chat sur les épaules, je prends mes personnages par la main et les relâche au milieu de nulle part, près d’une montagne branlante et fumante d’ordures posées là par les romains. M’tadbu prit une feuille de presse qui s’en échappait par petit copeaux effilés et lu une colonne, une seule. C’était effarant, cataclysmant, charognard, perdu et sans foi. Ça n’avait rien, aucune saveur, aucun sel et pire, ça semblait se féliciter de ses propres saillies. C’était ça le romain moderne ? La prose folâtre, le bon mot, la périphrase enroulée, la métaphysique mutilée devant son beau miroir. D’un doigt convexe il se lèche l’écriteur, il sait lui ce qui est bon ; il aime les nègres.
M’tadbu était atterré. Il n’y avait pas que ça qui l’atterrait, il y avait le tas d’ordures qui flambait à ciel ouvert, il y avait la montagne rouge sur leur droite là, que les romains rongeaient à l’aide de camions géants, il y avait les vapeurs douteuses qui s’en élevait, il y avait les deux types rougeauds qui se pointaient avec des fusils et de grands gestes ouste. C’était la première fois qu’il voyait des romains, mais contrairement à un mythe répandu à Rome, rougeaud ou pas, il ne les prit pas pour des dieux, juste deux connards avec des kesketufous-là-con-de-nègre-c’est-privé. M’tadbu n’estima pas nécessaire de les gourmer avec une répartie en romain choisi, il monta à bord de son épave et repartit tandis que la hyène ricana d’une manière effrayante, laissant traîner son regard vers les deux imbéciles, façon « ah comme c’est dommage qu’on s’en aille mes poulets ». Comme une menace flottant au-dessus des têtes et qui ne les effleura pourtant pas, rien n’effleure un imbécile, sauf son propre parfum.
M’tadbu savait simplement ce qui lui restait à faire, et ce n’était pas de chasser le romain, ni même de faire remarquer à ces fusils ouste qu’ils avaient encore leur braguette ouverte sur la petite négresse, mais trouver un chemin. Un chemin polichinelle tout droit au cœur de la lettre, une route dans le songe des mots romains et y souffler le feu du génie bleu. Il se bourra une pipe et laissa les mots songer à sa place.
Il devait bien y avoir un moyen de redonner à ces romains un peu d’esprit, de lettres, que sais-je ! Il loucha du côté du sapin qui encombrait la voiture de son parfum. Mais c’est bien sûr !
Le sapin remplissait la voiture de mots, ils s’imprimaient sur les parois de son habitacle intime, une tapisserie, l’engin ronronnait, le binaire se lettrait à son tour, toute une fête. Voiture parlante, K2000 ? Que nenni, la voiture taiseuse, qui rumine une vengeance bilénaire, lettres ou pas il y avait bien quelqu’un qui allait devoir payer cette mésaventure si insultante à son âme de machine. La machine est un engin inventé par les nazis de la tête, elle pense nazi, et si tu me crois je ne vais pas te reprocher de ne pas pouvoir rentrer dans la peau de n’importe quoi avec un peu de poudre d’imagination. Tu vois là j’écoute les Dead Kennedy’s, ça n’a rien à voir mais ça détend. Et maintenant c’est ta fête.
Con de lecteur, imbécile heureux qui se promène l’œil insouciant, il y en a, inconscient, il y en a, veau par mille, ferme ça tout de suite, s’il te plaît lâche-moi. Barre-toi, oublie ce texte. Il est pour toi tu vois et toi tu continues à penser que je te parle intimement, que moi l’auteur n’utilise rien de plus que ce que ce qui lui passe par la tête pour lui écrire le mot, décrire son mal, et non les maux, ça, con de lecteur je te laisse le choix des écriteurs. Je m’en fous de tes maux imbécile, je raconte une histoire, par couche, un millefeuille, tu vois ? Tu suis ou pas. C’est ça écrire mon gars, et là je déconstruis, tu vois ? Je t’apprends à lire, ça y est le clou est rentré tu crois ? Bien, pose. Oui, toi, pose ce texte, attends un peu, digère.
Il en est des contes des choses charmantes qui souffrent pour autant toujours d’un minimum de cohérence pour le lecteur occidental. Les contes amérindiens se passent d’expliquer le corbeau attrapant le soleil, le Petit Poucet jette des cailloux derrière lui. Il s’impose ici une vision métissée, et je ne pouvais pas me passer d’un cheminement jusqu’à Rome. Comment M’tadbu parvint là-bas ? Eh bien il n’y parvint pas justement. Le pays était ravagé par la guerre depuis tant d’années, tant d’années ignorées de lui qu’il découvrit sur sa route des colonnes de réfugiés et des bandits. Les bandits se laissèrent séduire et achetés par la hyène qui parlait leur langage. Les réfugiés le conduisirent à un camp, et c’est là qu’il eu sa plus belle idée. Donner de l’herbe magique à ceux du camp plutôt qu’au romain. L’effet fut prodigieusement bavard, et volubile.
Ce qui est un pléonasme, nous vous le faisons remarquer, déclarèrent le chèvre et le fermier en chœur, mais, c’est pas grave. Vous êtes ici pour apprendre, pas pour dicter.
Mais tout acte a ses conséquences, des camps de réfugiés on fit pousser cette herbe, et elle migra quand il fut temps et possible de migrer avec des nègres affamés mais lettrés. Les nègres lettrés finirent avec les autres lettrés nègres, à la plonge, ou aux poubelles. L’herbe chemina par le clandestin chemin des arsouilleurs et y gravait ses racines. Le verbe s’enracinait dans les mauvaises têtes, les quartiers, des drogués, les bavards par essence, voyous ou pas. Des smalas à causer romain comme on ne l’avait plus entendu depuis des lustres. Rap, flow, smoothysample, ragga et ta sœur. Et il y avait des guns aussi et de la révolte, de la colère, de la haine, froide et légère. La plus tranchante. Rome sabrée au plus juste, ses écriteurs se mirent à leur tour frénétiquement à la drogue, et c’est là fut le drame, ils n’avaient toujours pas de talent. Plein de Beigbéder morts dans une orgie de caviar et de champagne très Noiret dans la Grande Bouffe, tu vois ?
Bref, des morts et des plus goncourisés parce que ça rime immédiatement avec courroucé et même avec ridiculisé.
Le nègre s’installa sur la chaise, la hyène et la chèvre à ses côtés. Jeta un rapide coup d’œil aux romains présents. Une bande d’enfants, d’enfants fascinés, des romains quoi. Il se racla la gorge.
– Dithyrambique, c’est comme gargantuesque, c’est pas un mot qu’on place facilement dans une conversation. Ça pose sa phrase, ça lui fait comme un genre de décor roubignole avec un gros panneau attention c’est la farce. Ça claque mou en somme. On a plus envie de mots comme phacochère, anacoluthe, ou myrtille. Mais ça non plus c‘est pas facile à placer dans une conversation, sauf si on cause recette, figure de style et animal sauvage dans une même discussion. Ce qui est, on en conviendra, assez rare. J’ai jamais vu débouler de girafes dans l’échange de politesse entre un architecte tu vois quoi et une libraire post moderne, tatouée Manga…etc
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