Sonny

Sonny gara la Mustang le long du trottoir chaud bouillant sous le soleil de la canicule. Il ouvrit le boite à gant, attrapa le flacon de Dexedrine et s’enfila deux gélules jaunes soleil avant de saisir son Grizzly 45 ACP et l’enfiler sous sa chemise tropicale. Il avait rendez-vous. Il traversa la rue au goudron fumant, il portait des bottes en peau de squale, un jean délavé, une gourmette à son poignet avec le prénom de sa fille gravé. Le Duke bar  occupait l’angle de la rue, entre une pizzeria et un barbier, tous tenus par la même famille de sang, Anthony Francezzi alias Tony White et ses cousins Franck Rizzotti dit Franky Pizza et Joey Tatta alias Fat Joey. Joey était sur le pas de sa porte en train de se ventiler, sa blouse de barbier reléguée à l’intérieur, en tricot de peau, ses tatouages de taulard plein soleil. Sonny ne prêta même pas attention au gros lard et entra dans le bar.

  • T’es en retard, ronchonna un des gorilles de Tony

Ils tapaient le carton en se saoulant gentiment, se racontant des histoires, échangeant des rumeurs, les conneries habituelles. Sonny ne s’excusa même pas, il n’en n’avait rien à foutre, il traversa la pièce enfumée et passa la porte derrière le comptoir. Une cour intérieure au sol recouvert de plastique, sac poubelle, et un mec sur une chaise, ligoté. Ils lui avaient déjà fait la tête comme une pastèque, du sang plein sa chemise.

  • S’appelle Ricardo Mendez, expliqua Tony White, il dit qu’il connait pas les autres gus, qu’ils s’appelaient tous par des lettres, A, B, C, D…

Sonny se retourna vers Mendez.

  • Qui vous a rencardé ?

L’autre fit un signe de dénégation, il ne savait pas c’était A le chef de la bande, c’était lui qui avait été mis au courant.

  • Et où est-ce que vous vous rencontriez ? Vous avez bien discuté du coup avant non ?
  • Dans un entrepôt du côté de Pétroléum, je peux vous y conduire si vous voulez.
  • Te fout pas de ma gueule connard.

C’est là qu’il remarqua qu’ils lui avaient cassés toutes les dents de devant. Faut dire que Tony White l’avait mauvaise, A, B, C, D et E avait braqué un de ses convoyeurs, trois briques, deux gars crevés et deux autres à l’hosto. Dans le lot le neveu de Tony, allongé sur un lit, dans le coma depuis une semaine, sous respirateur artificiel.

  • Je vous jure c’est tout ce que je sais.
  • Comment t’as été mis sur le coup ?
  • Euh…C’est à cause de mon codétenu, mais il y est pour rien.

Tony lui raconta ce qu’il leur avait déjà dit là-dessus, le sieur Ricardo ci présent s’était vanté d’avoir déjà commis plusieurs braquages de dealer à Chicago, baratin visant à séduire le dit codétenu qui lui avait un palmarès chargé. Problème le mec était toujours en taule. Finalement le gus, un certain Josh Walker, lui avait dit d’aller à ce hangar tel jour, telle heure et dire qu’il venait de sa part.

  • Pourquoi t’es tombé ?
  • Vol de voiture, c’est mon job d’habitude j’vole des voitures, plaida Ricardo avec sa tête boursouflée.
  • Et là t’as volé une voiture ?
  • Non j’étais l’chauffeur…
  • Bon et après vous avez fait quoi ?
  • Bah on est retourné à la cache et puis on s’est séparé le partage fait.
  • Et le blessé vous en avez fait quoi ?
  • Il est mort dans la voiture.
  • Et la voiture vous en avez fait quoi ?
  • On l’a jeté à la baille avec le mort dedans…. Dites je vous ai dit tout ce que je savais, vous allez pas me tuer hein…
  • Ah oui c’est vrai, dit Sonny comme s’il venait de se souvenir de quelque chose.

Il sorti son 45 et lui vida la moitié du chargeur dans le buffet. L’écho des coups de feu rebondit contre les murs comme un rugissement.

  • Bon alors t’en penses quoi ? Demanda Tony en retirant les bouchons de tir de ses oreilles.
  • Je vais me rencarder, je te rappel dans trois jours.
  • Ca marche.

Sonny reparti comme il était venu, personne ne fit attention à lui. Dans la bagnole il appela son contact à Dog Town, le pénitencier du comté. Ross était le patron de la Fraternité Aryenne locale, il promit d’examiner le problème en personne. C’était comme ça en ville, quand il y avait une affaire épineuse à régler, on appelait Sonny Ocean, alias Sonny O. alias Mister O, alias la Faucheuse, mais plus beaucoup de monde osait encore l’appeler comme ça de nos jours. Sonny ne perdait pas de temps,  jamais, il conduisait vite, il pensait et parlait vite quand il parlait. Il se rendit dans la foulée à Pétroléum et passa sa journée à fouiner tous les hangars vides qu’il connaissait. Comme son nom l’indiquait Pétroléum, petite ville de banlieue au nord de Paradise City, abritait une demi-douzaine de raffineries et autant de docks. Au large, en face, on pouvait apercevoir les plateformes pétrolières BP et Firestone. En face des quais six à huit, il y avait trois rades collés les uns aux autres. Des rendez-vous à soiffard qu’il visita également l’un après l’autre. Le premier s’appelait Chez George, parce que dans cette ville la famille Bush c’était un peu comme des dieux. Il y avait du reste des portraits des ex-présidents accrochés au-dessus des boxes qui faisaient face au bar. Des boxes crasseux qui poissaient l’alcool de mauvaise qualité, dans lequel étaient logés une poignée d’ivrognes envappés au T. Bird et au rye de contrebande. Sonny connaissait ce genre d’endroit, quand il était morveux c’était généralement dans un de ces trous puant qu’il avait des chances de retrouver son vieux. Les barmans n’y étaient pas fort coopératifs à moins d’avoir de quoi allonger et se fichait complètement de leur clientèle tant qu’elle ne tapait pas le scandale. Mais ici tout le monde était trop rincé, au fond du trou pour penser encore à chercher la bagarre même pour distraire une journée d’emmerde. Sonny interrogea le barman contre deux billets de vingt, c’était quoi ses horaires d’ouverture, est-ce qu’il avait remarqué une bande de mecs qui trainait dans le coin, des nouvelles gueules par exemple. Mais ça ne donna rien, alors il passa au bar voisin, et ainsi de suite jusqu’au dernier rade.

  • Garde tes billets poulet, j’ai rien à déclarer.
  • J’suis pas un poulet.
  • J’veux pas le savoir mon pote, je te sert quoi ?
  • Rien, j’suis pas venu pour picoler.
  • Alors dans ce cas va falloir dégager.

Le barman accusait deux têtes de plus que Sonny avec des épaules de déménageur qui devait le faire se sentir comme le roi du monde quand il dérouillait quelqu’un. Des poignets comme des buches et des mains en forme de pelleteuse. Mais qu’est-ce que ça pouvait bien lui foutre pour qui ce connard se prenait ?

  • Okay, okay mon ami, sert moi un Jack honey en ce cas.
  • J’ai pas ce genre de came.

Sonny soupira et avisa les bouteilles derrière le golgoth.

  • Bon met moi un Cutty Sark, double sans glace.

L’autre posa un verre douteux devant lui et le servit. Alors Sonny attrapa le verre et le lui écrasa sur l’oreille avant de le faire basculer d’une main par-dessus le comptoir. Le gars poussa un cri en tombant lourdement sur le sol, Sonny lui mit sa botte en travers de la gorge et appuya.

  • T’as dix secondes, après je vais te botter le cul tellement fort que t’auras de la merde dans la bouche et ça sera pas qu’une métaphore.

L’autre gargouillait, les yeux hors de la tête, l’oreille en sang. Un gus tenta bien de se lever de son tabouret pour intervenir mais Sonny souleva le pan de sa chemise et lui montra la crosse de son automatique.

  • Un nouveau dans le quartier, j’l’avais jamais vu avant, un peau-rouge j’crois !
  • Qu’est-ce qui te fais dire ça ?

Il lui donna une description, cheveux longs, un tatouage tribal et donc une gueule d’indien.

  • Il picolait ?
  • Il est jamais rentré, j’lai vu dehors qui attendait près du dock numéro six. Il portait une veste treillis j’me souviens.
  • C’était quand ça ?
  • La semaine dernière.

Sonny laissa choir un billet de vingt.

  • Va te faire recoudre et la prochaine fois si je reviens t’as intérêt à pas me les casser, t’as compris mon pote ?
  • Ou… oui… m’sieur.

Sonny sorti comme il était venu et traversa vers les quais. Il y avait une dizaine de hangars à marchandise par-là. L’entrée était défendue par une barrière flanquée d’un poste de sécurité dans lequel roupillait un mexicains et son clébard, un berger allemand massif qui se mit à gueuler dès qu’il le vit, réveillant son propriétaire.

  • Olà que tal ? Fit Sonny en saluant le mec de la main.
  • Qu’est-ce tu veux ? Grogna le mexicain en tirant sur la laisse de son chien.
  • Cherche un mec qui serait venu ici, un indien avec un tatouage dans le cou. Il était dans le coin la semaine dernière. T’as rien vu ?

Le berger allemand continuait d’aboyer, le gars lui fouetta le cul avec le cuir de la laisse et hurla.

  • Ferme ta gueule putain de toi !

Le chien poussa un cri plaintif, Sonny serra les dents.

  • Z’êtes flic ? Demanda l’autre avec méfiance.
  • Non je suis curieux, rétorqua Sonny en sortant deux billets de vingt.

Il y avait deux choses que Sonny supportait pas, les mecs qui frappaient leur femme ou leur gosse, et qu’on soit cruel ou violent avec les animaux. Mais le business d’abord.

  • J’étais pas là la semaine dernière, grogna le bonhomme sans chercher à prendre les billets.
  • Et le gars qu’était là, il revient quand ?
  • Dans une semaine, on travaille une semaine sur deux, pourquoi ?
  • Je veux lui parler, il vit où ?
  • J’en sais rien et même si j’savais j’ai rien à te dire.
  • Allons mon ami pourquoi tu le prends comme ça ? Demanda alors Sonny avec un calme olympien.
  • Dégage ! Tu m’emmerdes maintenant ! tu veux que j’appelle les flics c’est ça !?

Dix minutes plus tard Sonny visitait les hangars à marchandise, le berger allemand qui trottinait devant lui, la langue pendante, le sourire aux babines. Le coin le plus discret dans le secteur se trouvait derrière une paire de grues de déchargement et abritait des dizaines de bidons frappés du logo inflammable. C’est ce qui se trouvait le plus éloigné du poste de garde et l’entrée était masquée par les grues. Les portes étaient verrouillées, serrure double et grosse chaine cadenassée. Il cassa l’unique fenêtre et entra en grimpant sur un container à ordure. Ça sentait l’huile de moteur à l’intérieur avec un petit air marin par-dessus, il faisait une chaleur de four sous le toit en taule mais il inspecta quand même la place au peigne fin jusqu’à ce qu’il découvre roulé en boule, coincé entre deux bidons, un plan touristique de la ville avec le parcours des convoyeurs tracé au feutre rouge. Ces caves n’avaient même pas cherché à couvrir leurs traces et croyaient que de simples lettres suffiraient à cacher longtemps leur identité. Putain d’amateurs, pensa Sonny en empochant la carte.  

  • Sonny O ! Ca fait longtemps qu’on t’as pas vu dans le quartier, s’exclama le sergent O’Donnel alors qu’il franchissait la porte du bar.
  • Salut les mecs, j’étais en voyage, expliqua sincèrement l’intéressé. Une affaire qui l’avait conduit à Tampa, de l’autre côté de l’état.
  • Qu’est-ce tu bois mon pote ? Demanda enthousiaste l’un des flics.

Ils étaient déjà tous à la bière et au raide à onze heure du matin.

  • Cherry coke, vous êtes trop matinal pour moi les mecs.

En réalité il buvait rarement et jamais au point d’être bourré. Son père lui avait servi de mauvais exemple, il détestait les alcooliques mais il pardonnait à la bande de poulets qui était installée là au Paradise Lodge parce que c’était les mêmes qui s’étaient démenés pour lui quand sa fille avait disparue. C’était arrivé un mois après que sa bonne femme se soit tirée et au début, vu que la gamine avait tout juste treize ans, ils avaient cru à une fugue. Mary-Jane, son ex, s’était tirée à Albuquerque au Nouveau Mexique. Ils avaient mis des semaines à la retrouver mais elle n’avait aucune nouvelle de sa fille. Ça faisait deux ans maintenant. Elle lui manquait.

  • Comment vont les combattants du crime ?
  • Pas mal et toi Sonny ?
  • J’ai besoin d’un service.
  • Raconte.

Sonny sorti la carte qu’il avait trouvé.

  • Tu crois que tu pourrais relever des empruntes là-dessus ?
  • Peut-être bien, faut voir, t’explique ?
  • Tony s’est fait braquer.

L’autre déplia la carte avant de regarder ses collègues stupéfait.

  • Alors c’était ça la fusillade sur Washington ?
  • Bah ouais.
  • On pensait que c’était un règlement de compte. C’est la merde alors…. Commenta un des flics en regardant O’Donnel.
  • Pourquoi ? Fit celui-ci.

Sonny répondit à sa place.

  • Le neveu de Tony, il était dans la bagnole qui s’est fait braquer.

Tout le monde savait ce que ça voulait dire. S’attaquer à la fortune d’un sicilien c’était un truc qu’on pouvait comprendre, c’était le business, s’attaquer à sa famille c’était personnel.

  • T’étais au courant ? Demanda le sergent à son voisin.
  • Ouais.
  • Fais chier.

Tony White était respecté des flics, un de ces gars qui se tenait droit, un voyou à l’ancienne, dernier des mohicans, ces conneries là…  Les flics ça les impressionnait toujours les mecs comme Tony, calme, taiseux, qui prétendait obéir aux vieux codes du vieux pays. En tout cas c’est comme ça qu’aimait se la raconter Tony mais Sonny n’était pas dupe.

  • Bon, à part les empruntes, t’as besoin de quoi ? Conclu O’Donnel.

Sonny n’avait dormi que deux heures, trop de Dexedrine la veille, de coke, et un mauvais rêve qui lui avait ramené Lily, sa fille, dans la gueule. Avec ce soleil qui chauffait la bagnole malgré l’air conditionné de série, il se sentait à la fois aiguisé et abruti, capable d’une seule tâche à la fois, sur la piste de l’abécédaire  comme un chien sur sa trace. Il avala deux gélules jaunes soleil et sortit de la voiture pour rejoindre son appartement, un dossier dans la main. Il vivait dans une résidence de plein pied, style cubano mexicain, dans le centre, avec des murs en stuc rose et un jardinet à l’herbe pelée et jaune où ployaient des palmiers défraichis. Un deux pièces plus cuisine, décoré chichement, un portrait de Lily sur le buffet du salon, quelques livres, une télé grand écran, une chiée de films des années 60/70, l’époque bénie selon lui. Franck était roulé en boule sur le canapé, il leva la tête et le considéra de ses yeux jaunes avant de bailler et d’exhiber des crocs bien affutés  Une grosse bouille, la fourrure gris chartreux, une cicatrice en travers du tarin et l’oreille droite entamée, Franck était un ancien matou passé à la vie civile. Sonny l’avait adopté pour Lily et lui, sa fille aussi adorait les animaux. Avant qu’elle disparaisse ils avaient eu un cochon d’Inde, Herbert, et un pitbull, Biggy mais Franck détestait les chiens et il avait dû faire un choix. Aujourd’hui Biggy gardait l’entrée d’un parking avec un gars en qui il avait confiance. Il salua le chat d’une caresse et s’assit à ses côtés, ouvrant le dossier. Le procès-verbal de la fusillade, ajusté du rapport balistique, de celui de la morgue et d’une poignée de témoignages. Sonny lut tout bien attentivement en s’imaginant la scène. Une voiture bélier, trois individus à bord armés d’AK 47, la voiture qui percute l’autre latéralement à hauteur du chauffeur, ça défouraille sur la cabine avant, cinquante cartouches au total, de la purée humaine, les mecs qui arrachent les gars à l’arrière, le neveu qui se rebelle bordel et un blessé dans le camp d’en face selon les témoins. Les gars répliquent, et embarquent le contenu coffre bien empaqueté dans du cello. Une bagnole se pointe, gros moteur sport qui fait du bruit, et hop adios. Des despérados. D’où ils sortaient ces branquignoles ? Plus il réfléchissait plus il se disait qu’il y avait une tête pensante derrière cette affaire. Un kamikaze au moins. Qui pouvait bien être assez cintré pour voler Cosa Nostra ? Il dina vers quatre heures d’une pizza réchauffée au micro-onde, ajoutée d’huile pimenté comme il aimait. Descendit une bouteille de cherry coke avec deux autres gélules et retourna en ville.

  • Salut Leroy.

Les AK c’était devenu courant dans la rue comme l’AR15, mais pour ce qui s’agissait des fourgues les places étaient chères. Les mexicains étaient les rois bien sûr, et les russes les princes. Mais Stanley Sherman Leroy était sans doute après ceux-là le plus gros fournisseur de pétard  de la ville. Leroy possédait lui-même un magasin d’armes tout ce qu’il y avait de plus légal, le WorldWide Rifle Center Store, grand comme un supermarché.

  • Sonny O ! Ca va mon pote ? On dirait que t’es malade !
  • J’ai rien dormi, je suis défoncé de fatigue, s’excusa Sonny.
  • Comment va Franck ?
  • Toujours la pèche. Dis donc on pourrait causer en privé ?

Leroy coulissa un regard vers un des assistants.

  • Boyd, tu me remplaces
  • Oui m’sieur Leroy, jappa l’intéressé.

Il s’excusa auprès du client désireux d’acheter un automatique et lui fit signe de le suivre derrière le comptoir. Le mur du fond de son bureau était occupé par un drapeau confédéré, ce qui était assez remarquable pour le bureau d’un nègre mais pas surprenant quand on savait que Leroy était né en Géorgie voisine. Et qu’il avait des copains dans de nombreux gang en ville, indifféremment de leur couleur de peau.

  • Un indien tu dis ? Je vais tâcher de me renseigner, promit-il une fois qu’il ait fini son exposé.

Après quoi il rendit visite à Jimmy French, un haïtien à la tête d’un réseau de putes, un haïtien qui fréquentait la nuit, les boites huppées, la crème de la ville et d’ailleurs. Comme beaucoup de monde à Paradise City, French payait sa dime à Tony et comme tel il était son obligé. Est-ce que des mecs auraient réclamé des filles récemment, une bande avec peut-être un indien dans le lot.

  • Un indien ?
  • Ouais.
  • Quel genre d’indien ?
  • A ce que je sais moi ! Un tatoué.

French était installé dans un des box du River Café sur Ocean Boulevard, un milkshake banane, chocolat, crème chantilly devant lui. Il composa un numéro sur son portable et susurra quelques mots doux en français créole. Puis il lui demanda de ses nouvelles.

  • On fait aller, répondit Sonny d’un ton rogue quand soudain une ravissante gamine d’à peine vingt printemps franchit la porte du Diner et vint se planter à côté de French.

Fine, incurvée comme un S, peu de poitrine, cintrée dans une robe noire moulante, les cheveux courts, le genre qui aurait pu lui faire tourner la tête vingt ans plus tôt. Sauf que Sonny était au boulot et que justement il avait passé l’âge des lolitas. Il avait eu son compte avec Mary-Jane, les lolitas vieillissaient mal parfois.

  • Vas-y chérie, raconte lui ce que tu m’as raconté, susurra French à la jeune femme.

L’indien elle était monté avec. Il se faisait appeler Hawk, du moins c’est qu’elle avait compris par les autres parce que c’était le genre client taiseux qui tire son coup et puis c’est tout. Sauf que lui il ne l’avait pas baisé, il lui avait juste demandé un striptease.

  • Les autres, quels autres ?
  • Un autre gars, qui était avec lui quand on s’est rencontré, c’est lui qu’il l’a appelé Hawk.

Quelqu’un dans l’abécédaire connaissait les noms des membres de la bande.

  • A quoi il ressemblait ce mec ?
  • Un grand blond un peu dans votre genre avec des lunettes jaunes.

C’était un peu vague comme description mais pour le moment il devrait s’en contenter.

  • Bon, et qu’est-ce que tu peux me dire d’autres sur le Sioux ?

Une veste de treillis, une queue de cheval, cheveux noir corbeau, des cicatrices de varicelle ou de vérole sur les pommettes et le tatouage dans le cou dont elle lui fit un dessin sur une serviette en papier. Il l’avait regardé se déshabiller puis il était parti sans un mot en laissant un pourboire de vingt dollars. Sonny fit ensuite le tour des tatoueurs en ville, en cas où ce mec se serait fait ça ailleurs qu’en taule. Et comme il le craignait fit choux blanc. Il roulait sur Lincoln Street quand une voiture de patrouille surgit dans son rétroviseur. Un coup de gyro et des appels de phare, prière de se ranger sur le bas-côté. Il obéit, bien obligé tout en reléguant son 45 dans la boite à gant.  

  • Bonjour monsieur papier du véhicule je vous prie.
  • Pourquoi ? Il y a un souci m’sieur l’agent ? Demanda-t-il tout en tendant sa carte grise et son permis
  • Votre feu arrière droit est cassé.
  • Hein ? Ah merde.

Quelques instants plus tard le flic revint vers lui.

  • Veuillez couper le moteur et sortir du véhicule monsieur, ordonna-t-il
  • Pourquoi ? Qu’est-ce qui se passe ?
  • Veuillez couper le moteur et sortir du véhicule je vous prie, répéta l’autre en portant la main à son arme.
  • Eh doucement mon pote ! S’exclama Sonny en obéissant, me voilà j’arrive !
  • Les mains en l’air.

A nouveau Sonny obéit sans comprendre parce que c’était ce qu’il y avait de mieux à faire. Il sentit l’autre le palper.

  • Vous n’avez rien de dangereux sur vous, pas de stupéfiant ?
  • Tu vas me dire ce qui se passe ouais ?
  • Le propriétaire de cette voiture est recherché pour vol avec violence.
  • C’est quoi cette connerie ? J’ai rien fait ! S’exclama Sonny.

Mais l’autre ne voulait rien savoir, il lui ramena les mains dans le dos et le menotta. On l’embarqua malgré ses protestations. Après quoi il se retrouva dans une cage du commissariat central, entre une pute brésilienne d’appellation contrôlée douteuse, et un clochard puant la vinasse et l’urine. Heureusement O’Donnel fut mis au courant et le sorti de là en lui expliquant la situation. Le gardien du quai avait porté plainte à cause de son chien. Alors ça lui revint. Il lui avait ouvert la portière de la Mustang et lui avait laissé le choix, la liberté ou il l’emmenait avec lui et il le donnerait à un bon maitre. Le chien avait hésité quelques secondes avant de se barrer en courant. Réaction qu’il pouvait comprendre, il n’y avait rien de plus précieux que la liberté. Il lui raconta l’histoire, le sergent se marra et lui demanda des nouvelles de Franck. En sortant du commissariat, alors que le soleil amorçait sa chute, il eut des nouvelles de Dog Town. Ross avait interrogé personnellement le gars, le compte-rendu était éloquent.

  • A s’appellerait en réalité Joe Bishop, notre gus l’a connu en prison. Il devait faire le coup avec lui mais il a eu un empêchement, tombé pour une vieille affaire de mœurs. Il parait que c’est un pro et un ancien militaire, si c’est parti en sucette c’est sans doute pas de sa faute.
  • Et où on peut le trouver ce Bishop ?
  • Il a une sœur qui vit East Eden, c’est tout ce que le gars sait.
  • T’es sûr ?
  • T’inquiète.

Il avait confiance, si Ross lui disait de ne pas s’inquiéter c’est que l’autre avait parlé tout son saoul. Il lui donna l’adresse de la femme et raccrocha. 45 17th Street, appartement 386, Las Bananas. En plein cœur de craignos land. Il décida de remettre son rendez-vous à plus tard et se rendit chez le coiffeur se faire rafraichir les douilles, coupé court. Après quoi il acheta une vieille parka dans une friperie militaire et satisfait de son déguisement prit le chemin de la fourrière récupérer sa voiture. Heureusement celle-ci n’avait pas été fouillée, le 45 toujours à sa place, chargé. Il rentra chez lui et passa la soirée à regarder la trilogie du Parrain, qu’il avait probablement déjà visionné deux cent fois. Ca l’endormit et cette nuit-là il ne rêva pas de Lily. Mais il fit un cauchemar, un cauchemar terrible où il tuait à coup de couteau et on le tuait en échange à coup de hache. Heureusement le fer de la hache s’envola avant qu’il n’y passe, et il sorti de son rêve en rouspétant à haute voix :

  • Putain de cauchemar !

Le 45 17th street était une de ces barres d’immeuble comme on en fabriquait encore jusqu’au milieu des années 80, en brique rouge, avec des coursives interminables et des escaliers pour les relier. Les ascenseurs étaient crevés depuis des lustres, un frigo s’était écrasé près de la porte d’entrée, il y avait des ordures et des rats dans le hall. Des tags de gang étalés partout, à l’intérieur ça sentait la pisse et le pneu brûlé. Au second il dérangea une colonie de fumeurs de crack. Trois envappés qui bougonnèrent à son passage pour une poignée de dollars et qu’il ignora. Sonny se demandait comment on pouvait supporter de vivre dans un tel environnement quand il frappa à la porte de l’appartement. Elle devait avoir dans les trente ans dépassés, vêtue d’une blouse rose chewing-gum, le visage fatigué par la défaite de sa vie. Il remarqua les bleus qu’elle avait sur les jambes et serra les dents.

  • Bonjour madame, je m’appelle Jim, je suis un copain de régiment à votre frère.
  • Joe ? Ca fait des années que je ne l’ai pas vu plaida-t-elle avec son regard de misère.
  • Vous n’avez pas idée où est-ce qu’il traine ou trainait en ville ? Je suis nouveau ici et je suis complètement paumé.
  • Euh… franchement, je ne sais pas…. Quand il était encore militaire il se donnait rendez-vous sur la plage d’Eden Park avec ses copains…
  • Qu’est-ce qu’il y a par là-bas un bar ?
  • Euh…
  • A qui tu causes ? Qu’est-ce tu fous !? Gueula une voix masculine derrière elle.  

C’était un homme de bonne taille en tricot de peau, du poil sur les épaules, la tête et le bide enflée par la bière qui le dévisagea l’œil jaune et rose d’une cuite de la veille.

  • Qui vous êtes ? Qu’est-ce que vous voulez ?
  • Je cherche Joe, je suis un ami de régiment.
  • Je veux pas l’savoir, dégagez ! Déclara l’autre en refermant la porte.

Mais Sonny avait déjà glissé un pied dans l’entrebâillement, il sorti un rouleau de billets de sa poche arrière.

  • Allons je suis sûr qu’on peut s’arranger, dit-il diplomatiquement.

L’autre loucha sur les billets et demanda plus doucement.

  • Vous étiez en Irak ?
  • Un tour en Irak, un autre en Afghanistan, improvisa Sonny en sortant deux billets de vingt de la liasse.
  • Qu’est-ce qu’un vétéran fout avec tout s’fric ? Grogna son interlocuteur en lui jetant un regard méfiant.
  • J’ai gagné au poker. 
  • J’sais pas où est Joe, dit-il en empochant tout de même les billets et si vous l’trouvez dites lui qu’il a pas intérêt à ramener sa gueule par ici.
  • Dites la plage d’Eden Park où il se réunissait avec ses potes, c’est  où ?

L’autre regarda sa femme.

  • Qu’est-ce t’es allé raconter bordel !?
  • Vous comprenez je viens d’arriver en ville et je ne connais personne, plaida Sonny en sortant un troisième billet

Eden Park, le poumon de la ville, était divisé en quatre secteurs cardinaux. Il y avait donc East Eden qui était historiquement le quartier le plus pourri depuis les premières fondations de la ville dans les années 60. West Eden, zone semi résidentielle sur le chemin du Reagan Airport. South Park aux immeubles de luxe bien alignés le long de l’immense coulée verte et North Park, sur le front de mer avec vue sur Ocean Boulevard et une autre chiée de building de standing. La plage était située au-delà du boulevard mais le point de chute n’était pas un bar mais un complexe sportif en plein air où des musclés répétaient tractions, barres parallèles  et autre pompes.

  • Salut les mecs je cherche Bishop, lança-t-il à la cantonade. Vous ne l’auriez pas vu récemment ?

A peine si on dénia le dévisager.

  • A quoi il ressemble ton Bishop ? Demanda un gus.

Sonny n’avait que deux descriptions et l’une d’elle correspondait à l’indien, il tenta le coup.

  • Grand, blond, un peu dans mon genre, qui porte des lunettes jaunes.
  • On connait pas, répondit le gus.

Il sorti à nouveau son rouleau de billets.

  • Quarante dollars à qui me filera un tuyau, il venait souvent ici avec ses potes avant l’armée.

Un grand balaise torse nu, luisant de sueur et avec une ceinture abdominal en acier trempé s’interposa en gonflant sa poitrine musculeuse.

  • On connait pas on te dit.
  • Allez je sûr qu’on peut s’arranger, insista pourtant Sonny en sortant deux billets de la liasse.

Le type le repoussa du bout des doigts.

  • Dégage !
  • Allons mon ami, pourquoi tu le prends comme ça ?
  • Je le prends comme je veux, dégage ! Dit-il en faisant un pas de plus.

Sonny avisa les quatre qui se rapprochait, cinq cent kilos de muscles stéroïdés au moins, mais qu’est-ce qu’il en avait à foutre encore une fois ? Il rangea les billets et sortit une matraque souple de la poche de sa parka avec laquelle il frappa les genoux du gros devant lui. Ca fit crack ! Le gars poussa un cri et ploya presque aussi vite, roulant sur le sable. Les gars prirent ça comme un signal mais au lieu de les avertir ça les excita. Un paquet de muscle lui fonça dedans et l’envoya à son tour rouler dans le sable, sa matraque perdue, le souffle coupé, mais le connard cru dans sa chance et voulu se jeter sur lui. Sonny lui flanqua son talon de toutes ses forces dans la gorge avant de se relever. Pour être immédiatement plaqué contre un des poteaux qui soutenait l’installation de traction. Le costaud le frappa en plein visage, une fois, deux fois, des coups de taureau, Sonny plia des genoux, sentant le sang rouler sur sa joue. Sa main chercha un appui et glissa sur un disque d’altère. Il l’attrapa et frappa le musclé à toute volée. Un, deux, trois coups violents jusqu’à ce qu’il ait la moitié du visage déformé et l’arcade bousillée. Après quoi il continua d’user du disque comme d’un outil de frappe. Tapant à tout va, faisant craquer les os, les dents et dégageant les autres agresseurs. Sonny tomba sur le premier avec son disque.

  • Alors mon ami, tu vas me dire ce que je veux savoir ?
  • J… Joe… y… Y… vient plus ici !
  • Où est-ce que je peux le trouver ?
  • J… Je sais pas… j… j’vous jure.
  • Arrête les conneries !
  • A l’Athéna, c’est ce qui se dit, expliqua une voix derrière lui.

Une fille fuselée comme un avion de chasse en nylon rose. L’Athéna était un hôtel de luxe sur la presqu’ile au large de Paradise City. Le gars se payait des vacances chics après avoir foutu le bordel en ville, et pourquoi pas ? Un vrai despérado.

  • Tu le connais ?
  • On est sorti ensemble. Mais il est trop dingue pour moi.
  • Dingue comment ?
  • PTSD, expliqua-t-elle.

Syndrome post traumatique, la maladie des soldats.

  • Et Hawk, un indien, ça te dis quelque chose ?

Elle fit signe que non. Il allait partir quand elle lui rappela les quarante dollars promis. Il hocha la tête l’air de dire qu’elle ne perdait pas le nord mais paya. La presqu’ile de Coconut Grove avait été entièrement fabriquée de main d’homme. Des tonnes de sable et de béton importés pour faire d’un banc de sable une ile reliée par deux ponts principaux le Lincoln et le Theodore Roosevelt. Un lieu privilégié pour classe moyenne supérieure et très supérieure. Plus abordable que le Coconut Grove ou le Palm Beach de Miami mais à peine moins depuis qu’une poignée de milliardaire s’y était  installée. Sonny se jeta un coup d’œil dans le rétro, il avait besoin de se faire recoudre mais ça devrait attendre. Il passa dans une pharmacie s’acheter de quoi arrêter le saignement, avala deux autres gélules jaunes soleil. Il était de mauvaise humeur maintenant, les musclés l’avaient bien chauffé. Les buildings étincelants de la presqu’ile flambaient dans le midi, l’Athéna était niché dans un bosquet de palmiers géants, cathédrale de verre et d’acier bleuté comme un titanesque Mister Freeze goût Coca, le balais des limousines et des voitures de luxe semblait ne jamais vouloir cesser devant l’entrée. Avec sa boite de nuit en sous-sol et son casino, le palace ne désemplissait d’autant moins que la discothèque était un des endroits les plus branché de la ville. Même David Geta s’y était produit et Claude Challe. Autant de nom qui n’aurait rien dit à Sonny mais la réputation suffisait.

  • Salut Dylan.
  • Oh Sonny O ! Comment vas-tu ?

Sonny portait des lunettes noires pour masquer le cocard qu’il avait autour de l’œil droit mais Dylan remarqua quand même les points sur l’arcade

  • Qu’est-ce qui t’es arrivé mon pote ?
  • Je suis tombé sur des vindicatifs.

Dylan était physio au sous-sol de l’Athéna, une vieille connaissance à Sonny qui le rencardait de temps à autre. Il lui expliqua la situation et lui fit une brève description de son client.

  • Ouais je le connais, un fêtard mais il s’est barré.
  • Quand ?
  • Ce matin à ce que je sais.
  • Tu crois qu’ils ont déjà fait sa chambre ? Faudrait que je fouine.
  • On va demander, répondit le physio en sortant son téléphone de sa poche.

Les chambres des palaces n’étaient pas systématiquement faites une fois le client parti, le roulement de la clientèle ne le nécessitait pas et heureusement c’était le cas ici. Bishop avait laissé un fameux bordel. Un régal pour l’œil quand on cherchait à cerner une personnalité. Des petites culottes, des traces d’herbe et de coke, des pilules d’ecstasy, une poubelle entière de mignonettes vides et un bar à demi plein. Il s’était renseigné, le gars était là depuis quatre jours. Quatre jours de bamboula avec ses potes mais on ne signalait aucun indien dans le lot. Les potes en question s’étaient tous barrés le deuxième jour. Il y avait eu des plaintes pour tapage mais on s’était arrangé à coup de dollars, les dollars de Tony. Sonny fouillait la poubelle en pensant à ce qu’il allait lui dire. Et surtout à ce qu’il allait taire. Il n’avait pas besoin d’un Tony White en pétard sur le dos. Il trouva une pochette d’allumette avec un numéro de téléphone, il appela O’Donnel et lui transmit.

  • Il te faut ça pour quand ? On est sur une intervention là.
  • Ah excuse-moi, bin quand tu pourras. J’ai promis à Tony de l’appeler demain.
  • Ça marche.

Deux heures plus tard il avait ce qu’il lui avait demandé. Ca contraria un brin Sonny. Il aimait moyen qu’on le prenne pour un imbécile.

  • Vous encore ? Qu’est-ce que vous nous voulez à la fin ?

Le mari sentait la bière, cette fois il ne se contenta pas de glisser un pied dans la porte ni de sortir les billets. Il poussa la porte de l’épaule et le repoussa à l’intérieur. L’appartement était aussi minable qu’on pouvait l’espérer. La sœur à Bishop était sur le pas de sa cuisine qui tordait un torchon dans ses mains inquiètes, un bleu sur la joue. Il y avait une table à repasser avec un fer qui attendait près d’une pile de linge. Un balai dans un coin et la télé allumée sur un programme de télé-réalité avec plein de pépètes tatouées et siliconées. Par terre près du canapé s’amoncelaient les canettes de bière. Il imaginait déjà la journée de cette femme et pensa à sa mère. Il ignora le mec et se tourna vers elle.

  • Votre frère vous a appelé cette semaine, qu’est-ce qu’il vous a raconté ?
  • Mais non j’vous assu….
  • Arrêtez les conneries maintenant ! Tonna Sonny en la menaçant du doigt.

Elle se rabougrit aussi tôt, un escargot rentrant dans sa coquille et qui attendait la suite, les coups. Sonny en avait mal au cœur mais il avait un boulot. Et des obligations.

  • Eh oh on se calme là ! Protesta le gars.
  • Toi tu fermes ta gueule ! tu m’as compris tu fermes ta gueule ! Ordonna Sonny en le menaçant à son tour de son doigt.

L’autre se gonfla aussi tôt.

  • Non mais dis donc je vais t’apprendre moi, fous l’camp d’ici d’abord.

Le poing de Sonny parti sans sommation dans son estomac, le pliant en deux.

  • Alors il vous a raconté quoi ?
  • Rien des bêtises, geignit la bonne femme, définitivement effrayée.

Elle regardait son mari qui essayait de retrouver sa respiration. Il l’entraina vers la cuisine et sorti les billets.

  • Faites un effort madame, votre frère a fait une grosse connerie, il a contrarié des gens très dangereux, je suis son unique chance de s’en sortir.

Il palpa sa liasse et en fit émerger trois billets de cent.

  • Allez tenez déjà ça pour vous, n’en parlez pas à votre mari il va les boire et je vous en donnerais le double si vous me dites ce que vous a raconter votre frère.

Elle finit par passer à confesse. Son frère lui avait confié vouloir partir pour la Californie, qu’il allait enfin pouvoir vivre ses rêves qui était d’entrer dans le cinéma mais d’après elle c’était des projets de fou. Il la remercia et paya comme promis, puis il entra dans le salon, attrapa le fer à repasser et frappa le mari en plein visage. Le fer était encore chaud, l’autre hurla, mais qu’est-ce que ça pouvait bien lui foutre ? Il frappa encore et encore, jusqu’à ce que l’autre ait le visage en sang et plus une dent vaillante.

  • Je vais revenir et je prendrais des nouvelles, si tu touches encore à un de ses cheveux, la prochaine fois je te tue ! Menaça-t-il en reposant le fer à sa place.

L’autre rampait sur la moquette, il lui flanqua un coup de pied dans les côtes.

  • Tu m’as compris !?
  • O…oui…

En repartant Sonny se remémora cette fois où il s’était rebellé contre son père. Son père qui tabassait sa mère à coup de ceinture ou de manche à balai quand il était bourré et parfois même quand il ne l’était pas. Il venait d’avoir tout juste quinze ans alors, et son père s’en était pris à sa mère une fois de trop. Il lui était tombé dessus avec l’inconscience de son âge et une batte de baseball, trois semaines d’hôpital pour son daron et six mois de maison de correction pour lui. Là-bas il avait sympathisé avec une bande de jeunes italiens, le reste appartenait à l’histoire. Mais cette fois il n’était pas inquiet, le type ne porterait pas plainte, il lui avait filé trop la trouille. Le téléphone sonna alors qu’il ressortait de l’immeuble, c’était le sergent, ils avaient des résultats pour la carte, une emprunte partielle appartenant à un client bien connu de leur service, un certain Lee Mc Fly. Un petit malfrat un peu trop adepte de la méthamphétamine pour être fiable. Il avait donc trois noms sur les quatre qui avaient participé au coup. Et au moins un d’entre eux ne s’était pas attardé, l’indien. Mais lequel de la bande avait planifié l’affaire ? Pourquoi il n’imaginait pas que c’était Bishop ? Parce qu’ancien militaire ou non c’était un barré avec des rêves de barré et Mc Fly n’avait pas l’air d’être beaucoup mieux. Il prit note de la dernière adresse connue et monta aussi tôt dans la Mustang s’y rendre. Le gars vivait à deux pas de l’aéroport dans un camp de mobile home, allée 13, avec un drapeau confédéré peint sur la caravane et un type qui s’arsouillait doucement sur le pas de porte, un stetson paille de travers sur la caboche et un pot à confiture remplit d’une mixture dans la main.

  • Salut ! Lança Sonny en s’approchant avec un sourire avenant.

Mais l’autre devait l’attendre ou se méfier parce qu’au lieu de lui rendre son salut, il fonça aussi tôt dans le mobile home. Sonny couru derrière lui. Immédiatement saisi par l’odeur qui régnait à l’intérieur, mélange de chaussette sale, de caoutchouc cramé, d’alcool frelaté, de pisse et d’eau stagnante. Le type essaya de se saisir d’un fusil à pompe sous son matelas, Sonny lui braqua son 45 sur la tempe.

  • Reste tranquille mon ami.

L’autre leva les mains en signe de rémission.

  • Où est Bishop ?
  • Qui ? Je connais pas d’Bishop !
  • Arrête un peu connard je suis pas d’humeur.

C’est alors que Sonny remarqua que la télé était allumée sur un porno. Un truc amateur visiblement fait dans une cave, un parking ou Dieu sait quel lieu glauque. Une fille occupée par deux gars avec des bites énormes qui lui fourraient dans tous les orifices. Des tatoués qui portaient des cagoules de lucha libre. Peut-être des mexicains, se dit-il en se tournant vers Mc Fly.

  • Bon alors t’accouches toi ! Où est Bishop ? Répond ou je t’en colle une dans le genou.
  • Je vous jure merde je sais pas qui c’est !

La fille poussa un cri qui ne ressemblait pas à du plaisir, Sonny leva distraitement les yeux pour la voir se faire emmancher contre le mur, la caméra faisait un gros plan sur son visage fatigué et là il eut un hoquet.

  • C’est quoi ces conneries ? Dit-il d’une voix blanche.

C’était Lily. Les yeux cernés, le visage creusé et la peau anémiée mais c’était elle il en aurait donné sa main au feu.

  • C‘est quoi ces conneries !? Répéta-t-il cette fois pour Mc Fly.

L’autre ne comprenait visiblement rien.

  • La vidéo là, où tu l’as eu !?
  • Hey qu’est-ce que tu veux toi à la fin ! J’t’ai dit que je connaissais pas de Bishop !

Sonny rugit :

  • La vidéo ! Où est-ce que tu l’as eu !?
  • Mais qu’est-ce que ça peut te foutre putain ! Embarque là si tu veux j’en ai plein !

Mais ce n’était pas ce que voulait entendre Sonny, il avisa l’évier de la cuisine, et lui tordit le bras droit, l’entrainant avec lui. Il alluma le broyeur qui fermait l’évacuation.

  • La vidéo ! Qui te l’a donné ? où est-ce que tu l’as acheté !?

Il lui avait fourré les doigts dans le trou, les ongles qui effleuraient les lames du broyeur, le type poussa un cri de terreur.

  • La vidéo ! Aboya Sonny, d’autant fou de rage que le porno continuait et qu’il pouvait lire toute la misère et la souffrance sur le visage de sa gamine.

Le type essayait de se débattre mais Sonny avait une poigne de fer et la motivation qui allait avec.

  • C’est Bishop ! C’est Bishop ! Hurla finalement Mc Fly.
  • Bishop ? Qu’est-ce qu’il a à avoir là-dedans ?
  • C’est lui qui a fait le film !
  • Et les deux connards qui la baise c’est qui !?
  • Je sais pas, j’les connais pas j’vous juuure ! Hurla le gars sur un ton suppliant.

Mais Sonny fou de rage n’écoutait plus, pas plus qu’il ne l’entendit hurler alors qu’il lui enfonçait le bras dans le broyeur. Il fixa le film jusqu’à ce qu’il s’arrête puis remarqua qu’il avait du sang sur sa chemise et son visage, regarda Mc Fly qui s’était effondré sur le rebord de l’évier et fini par le relâcher. Il tomba comme un sac, son bras déchiqueté jusqu’au coude. Sonny prit le CD Rom dans le lecteur et ressorti, groggy. Dehors les voisins s’étaient ramené, certain avait des fusils, d’autre des battes mais tous calèrent quand ils le virent avec son 45 à la main, le visage et la chemise inondée de sang, de bouts de viande et d’os. Il ne prononça pas un mot, il remonta dans sa voiture et disparu.

Le plus difficile fut l’après. Quand il s’obligea à regarder une nouvelle fois la vidéo, encore et encore, jusqu’à ce que plus aucun détail ne lui échappe, jusqu’à être capable de reproduire les tatouages des types de tête. Presque à chaque fois il pleura, et il vomit, et il se saoula. Trois jours durant. Le troisième jour on tambourina à sa porte. C’était Franky Malone et Kid Bugsy, deux encaisseurs à Tony. Ce dernier les avait envoyés aux nouvelles faute d’en avoir reçu de lui récemment.

  • Ca va Sonny ? t’as l’air ravagé ! S’enquit Franky
  • Ouais, ouais, vous voulez quoi ?
  • Bah t’as dit à Tony que tu l’appellerais et tu l’appel pas, il s’inquiétait.
  • Dis à Tony que ça va, j’appellerais cette après-midi, promis juré.

Les deux échangèrent un regard hésitant.

  • Bin c’est-à-dire qu’il a dit comme ça de revenir avec toi si t’étais toujours en vie.

Sonny poussa un soupir exaspéré. Il n’avait aucune envie d’aller voir Tony mais ces deux-là ne repartiraient pas sans lui. Alors il enfila une chemise et les suivit. Tony était installé à son bureau à l’étage au-dessus de son bar qui discutait avec ses cousins.

  • Bah alors qu’est-ce tu foutais !? J’attendais ton coup d’fil moi ! S’écria-t-il quand Sonny entra.
  • Excuse-moi Tony, problème de famille.
  • Qu’est-ce tu racontes t’as pas d’famille ! intervint Franky Pizza sur un ton rogue.
  • Justement, j’ai retrouvé Lily… avoua-t-il
  • C’est vrai ? S’étonna Tony, et où elle est ?
  • J’en sais rien encore mais je suis sur une piste.
  • C’est pas une raison pour pas donner de nouvelle ! grogna Joey.

Tony lui fit signe que ça allait.

  • Et pour mon problème ?
  • J’ai deux noms, Hawk, un indien et Bishop, un vétéran. Bishop était en ville jusqu’à peu mais d’après ce que j’ai compris il s’est tiré en Californie.
  • Et mon fric ?
  • Pas de trace. Laisses moi une semaine, je vais aller en Californie mettre la main sur ce Bishop.

Il n’en dit rien mais il en salivait presque à l’idée de lui foutre le grappin dessus.

  • Okay, comme tu veux mais je veux des nouvelles régulièrement.
  • Dès que j’en ai-je t’en donnes, promit-il.

Mais avant de filer en Californie il voulait retrouver les deux salopards qui avaient baisé sa fille. Il avait fait un croquis d’un des tatouages de bras, il retourna faire le tour des tatoueurs en ville en commençant par les plus réputés. Ca représentait une sorte de guerrier grimaçant, très coloré, de style japonais. Son dessin n’était pas très bon, des tatoueurs acceptèrent de l’améliorer avec son aide mais ça pris deux bonne journées avant qu’on l’aguille sur un salon spécialisé en japonaiserie.

  • Bien sûr que je reconnais, c’est mon travail.
  • C’est vous qui l’avez tatoué ?
  • Ouais pourquoi ça vous plait ?

Le tatoueur devait avoir dans la cinquantaine avec assez de quincaillerie dans le visage et de dessins sur la peau pour servir d’enseigne à sa propre boutique.

  • Je cherche le mec à qui vous l’avez tatoué.
  • Cody ? J’sais pas où y vit mais peut-être que si vous cherchez du côté du Prince, vous le trouverez, il parait qu’il traine pas mal là-bas.

Le Prince était une boite gay située à la pointe de Coconut Grove, la discothèque chic des pédés pas moins. Il y avait un dress code pour y rentrer et cette fois Sonny ne connaissait personne pour le faire passer. Alors il alla faire quelques courses à la galerie marchande de l’Athéna. Il se choisi un polo Ralph Lauren couleur saumon, un pantalon à pince de chez Gucci beige, avec jeté sur les épaules, un pull couleur pistache et aux pieds des mocassins à gland. Il était grand, plutôt beau gosse, et même seul, il passa les portes sans difficulté.

  • Cody ? Non ça me dit rien.

Le barman était du genre bodybuildé grande folle qui parlait d’une voix affectée. Sonny lui fit une brève description de son tatouage de bras.

  • Ah Mortadelle ! Oh à c’tte heure il doit être dans son bureau.
  • Son bureau ?

L’autre fit signe vers le panneau des toilettes.

  • Pourquoi vous l’appelez Mortadelle au fait ?

Le barman lui rendit un de ces regards comme s’il avait dit la bêtise de l’année.

  • Demandes à son zob bichon, demande à son zob.

Sonny repensa à la vidéo et failli avoir un haut le cœur. Il n’avait aucune idée de ce qu’il ferait quand il verrait l’autre. Il devait l’interroger mais d’un autre côté il salivait à l’idée de le massacrer et il avait très peur de ne pas se retenir. Il franchi les portes des chiottes qui était encombré d’hommes, qui à se lutiner, qui à sniffer ou avaler des poignées d’ecstasy. Une file indienne se tenait devant le chiotte handicapé d’où s’échappait des cris gutturaux d’homme en rut.

  • Je cherche Mortadelle, demanda Sonny au premier venu.
  • Il attend son tour comme les autres ! Grogna un des gars dans la file.

Il hasarda un œil à l’intérieur du chiotte. Par l’entrebâillement il aperçut Cody occupé à se faire enculer par un gars pendant qu’un autre lui remplissait la bouche. Et cette fois il vit très bien son tatouage. Sonny serra les poings de toutes ses forces, il ne pouvait rien faire ici. Il retourna au bar et commanda un verre de vodka frappé qu’il but d’une traite avant de foutre le camp. Il était aux alentours de trois heures du matin quand Cody sorti finalement de la boite avec deux autres gars. Ils riaient tous très fort, visiblement défoncés et remontèrent jusqu’à la file de taxis qui attendaient de l’autre côté de la rue. Par chance il monta seul dans le sien, Sonny suivit la voiture. Il habitait dans une zone résidentielle sur North Park, une poignée d’immeubles de quatre étages, concentrés autour d’un grand jardin bien entretenue. Sonny sorti de la boite à gant un Beretta 22 long rifle avec silencieux et le suivi à l’intérieur de la résidence. Cody chercha ses clefs quelques instants devant la porte de son immeuble, Sonny surgit de l’ombre et lui braqua le canon du silencieux sous la mâchoire.

  • Ouvre la porte, vite !

Le contact de l’acier tétanisa le gars.

  • J’sais pas où j’ai mis mes… mes … clés, bégaya-t-il d’émotion.
  • Trouves les dépêches toi !

La panique le dégrisa assez pour qu’il s’exécute presto. Sonny le poussa à l’intérieur.

  • On va chez toi vite !
  • Je vous jure j’ai pas d’argent !
  • Et tes passes tu les fais gratos peut-être ?

Instinctivement il ne voulait pas qu’il sache immédiatement pourquoi il était là. Parce que quelque chose lui disait que Beretta ou pas il essaierait de se rebeller. L’argent ce n’était pas grave, s’en faire voler  c’était des choses qui arrivait, mais baiser une mineure dans un porno… Ces mecs ne s’étaient pas masqués pour rien. L’appartement était rempli de posters à la gloire du mâle triomphant notamment et de Cody lui-même particulièrement. Des photos suggestives avec un ou une partenaire ou seul, en slip Calvin Klein, torse nu en jean moulant. Sonny en reparti alors que l’aube s’amorçait.

  • Le caporal Anderson ? Oh ça va être difficile de le voir pour le moment, il est aux arrêts.

Le planton de fort Brighton, la base militaire au nord-est de la ville, n’avait pas fait d’histoire pour lui expliquer ce qui était arrivé à Anderson, le deuxième acteur de la vidéo. Une bagarre de trop dans un des bars du port. Il était parait-il coutumier du fait et le capitaine avait fini par s’exaspérer.

  • Combien ?
  • Combien quoi ?
  • De jours d’arrêt.
  • Trois.

Ça lui aurait laissé le temps de filer en Californie s’il avait eu le moindre point de chute mais tout ce qu’avait pu lui apprendre Cody c’était qu’il rêvait de produire et réaliser son propre film, film qu’il avait parait-il déjà écrit. Pour sa fille en revanche il ne savait rien, juste une pute de plus que fournissait Bishop. Qui avait produit et qui distribuait, il n’en savait rien non plus, Bishop tenait la caméra, c’est tout ce qu’il savait et après ce que lui avait fait subir Sonny, impossible qu’il lui ait menti. A ce stade l’affaire de Tony lui passait un peu au-dessus mais il avait des obligations et ce dernier n’aurait pas compris qu’il ne s’y soumette pas. Il avait identifié quatre despérados, Bishop, Mc Fly, Hawk et Marquez, deux étaient toujours en vie, selon toute vraisemblance et l’argent s’était envolé. Qu’est-ce qu’ils en avaient fait ? Ils avaient fait la fête avec mais et après ? Trois millions de dollars en billet de cent ça représentait quand même un bon volume, on se baladait pas avec ça sans se faire remarquer, mais si Hawk et Bishop s’étaient tirés, pourquoi Mc Fly et Marquez étaient restés en ville ? Ils espéraient peut-être passer à travers comme ça. Ou bien ils avaient reçu des ordres. Parce que plus il y réfléchissait plus il se disait qu’il y avait quelqu’un derrière tout ça. Une tête pensante qui avait engagé une poignée de kamikazes pour braquer Cosa Nostra. Une tête pensante qui espérait sans doute qu’on se penche uniquement sur le cas de ces kamikazes et qu’on les imagine assez malins pour avoir fait le coup tout seul. Qui était donc au courant pour le transfert à part Tony ? Deux morts, deux blessés dont le neveu de Tony. Le neveu était dans le coma, il alla voir l’autre. Steve Fineccelli, alias Stevie Fine, alias  Stevie The Brick, parce qu’il se servait d’une brique pour tabasser les mauvais payeurs, avait eu la clavicule cassée par une balle et le nez cassé à coup de crosse de fusil. D’après ce qu’il avait lu de la balistique c’était cette même balle qui avait envoyé le neveu au tapis. Autrement dit il s’était interposé entre un AK et le gamin. Et c’était son arme qui avait blessé un des gars.

  • J’ai pas vu sa gueule, ils étaient tous cagoulés, tout ce que je sais c’est que je lui ai tiré une bastos dans le bide, il a pas dû vivre longtemps après ça si tu veux mon avis, j’avais mon 50.

Desert Eagle calibre 50, une grosse merde si on lui avait demandé son avis, mais certain mec était comme ça, ce qu’ils n’avaient pas dans le calbute ils le compensaient en kilo d’acier. Ca confirmait l’histoire de Marquez.

  • Qui était au courant du transfert à part vous autres ?
  • Tu crois quand même pas que c’est un coup de l’intérieur !
  • Répond à ma question.
  • A ce que je sais moi, je reçois les ordres c’est tout. Pose la question à Tony.

Ce qu’il fit.

  • A part mes cousins, personne.
  • Et qui a décidé du parcours ?
  • Moi.

Encore une piste qui ne menait nulle part.

  • Pardon de te demander ça mais à quoi devait servir ce fric ?
  • Un projet immobilier que j’ai, pourquoi ?
  • Avec qui ?
  • Pourquoi tu poses toutes ces questions ? En quoi ça te concerne ?

Il lui exposa son idée, lui décrivit les autres comme des têtes brûlés incapables de penser par eux même, quelqu’un devait sûrement être au courant de quelque chose, quelqu’un qui avait planifié le braquage.

  • Montoya mais je vois pas pourquoi ni comment il aurait pu me faire braquer, c’est un civile.
  • Il a peut-être décidé de jouer dans la cour des grands.

Gabriel Montoya était un riche homme d’affaire en vue à Paradise City, proche du maire et du gouverneur qui donnait indifféremment aux Démocrates et aux Républicains même si son cœur penchait plus pour ces derniers. Mais de fait on ne l’approchait pas comme ça et d’ailleurs il avait lui-même du mal à croire que ce millionnaire se risque à braquer un partenaire en affaire comme Tony mais il ne pouvait pas ignorer cette piste. French était le mac branché, même s’il préférait se voir comme un simple intermédiaire, un entremetteur. Il savait toutes les fêtes en ville, avait ses entrées partout, une écurie du tonnerre et un entregent commercial. French le brancha donc sur une fête qui devait avoir lieu sur le yacht de Montoya. Sonny lui intima de l’y faire rentrer. Il ne s’approcherait pas du millionnaire, il se contenterait de sentir la température, foi de Sonny O. Quel choix avait le haïtien de toute façon ? C’était une de ces fêtes comme les imaginaient les pauvres, avec des filles extravagamment belles et court vêtue, des vedettes comme l’animateur Jimmy Fallon et Shakira qui avait une maison en ville, des gens beaux, des vieux riches, autour d’une piscine de taille olympique, à siroter cocktails et champagne. Montoya était en train de discuter avec un type en chemise Hawaï, un gros cigare aux lèvres. Sonny savait qui c’était, un producteur de cinéma en vue sur la côte. Il fréquentait Tony lui aussi, ces gens de la haute adoraient s’encanailler avec les voyous. Sonny resta un moment, draguouilla une fille, bu un ou deux verres mais ne remarqua rien de louche dans cette assemblée de beautiful people et décida qu’il en avait assez vu.

  • Caporal Anderson ?

Le caporal Greg Anderson était exactement habillé comme dans la vidéo, maillot de corps et pantalon de treillis, tatouages à l’air et gros muscles à la fonte. Et sur le moment il dû faire appel à tout son professionnalisme pour ne pas lui déchirer le visage sur son pas de porte.

  • Oui ?

Il avait besoin de savoir. Savoir qui avait produit le film, où éventuellement était Bishop et surtout, où était Lily. Il sortit une bombe au poivre et lui aspergea le visage avec puis du bout de son Beretta, alors qu’il pleurait pour ses yeux, le frappa à la gorge. L’autre commença à s’étouffer, Sonny le repoussa à l’intérieur, il lui faucha les pieds d’une balayette puis referma la porte. Il vivait dans un deux pièces avec balcon au huitième étage d’une tour à deux kilomètres à vol d’oiseau de la base. Il possédait une Harley qui était garée au pied de l’immeuble, il n’avait pas été compliqué à suivre. Il avait emporté du gaffer, il lui attacha les mains dans le dos et les chevilles, il le bâillonna. Après quoi, presque maternellement, il lui essuya les yeux avec un peu d’eau tiède.

  • Je vais te poser des questions et tu vas y répondre, tu vas y répondre ou sinon il va t’arriver la même chose qu’à lui…

Il sorti son portable et lui montra une photo qu’il avait prise

  • Tu le reconnais ? Bon je me suis un peu lâché j’avoue, mais tu le reconnais quand même hein ?

L’autre avait les yeux qui lui sortaient de la tête, la terreur, l’horreur, tout en même temps. Sonny sortit un ciseau à bonzaï de sa poche, il l’avait trouvé chez Cody.

  • C’est super coupant mais c’est fou comme ça peut être long, précisa-t-il

Soudain Anderson projeta ses talons en avant, le frappant en pleine poitrine et l’arrachant de sa chaise. Sonny roula par terre, le souffle coupé. L’autre en profita pour faire passer ses mains devant, souple comme un serpent. Sonny tenta de se relever et de ramasser son pistolet qui avait valsé, Anderson lui jeta un grille-pain à la tête et s’empara d’un couteau de cuisine dans le porte-couteau avec lequel il se libéra les jambes. Sonny se releva, groggy, et lui renvoya le grille-pain. Anderson le balaya d’un revers du bras puis sectionna son entrave aux poignets après quoi il essaya de poignarder Sonny. Il savait tenir un couteau, ce dernier le vit immédiatement. Il recula en lui balançant la première chose qui lui tomba sous la main, une bouteille de vodka à demi pleine. Elle éclata contre le front d’Anderson qui s’immobilisa, sourit, retira un éclat de verre de sa peau sans un mot et recommença à essayer de le couper, la lame qui balayait devant lui de droite à gauche et Sonny qui continuait de reculer. Il attrapa une chaise et s’en servi comme un dompteur face à un fauve mais un fauve n’a pas de main, il ne peut pas attraper le pied de chaise et tirer d’un coup sec manquant d’entrainer Sonny à s’embrocher directement sur le couteau. La chaise vola en retour à sa rencontre avant d’éclater contre le mur. La lame siffla, la pointe entailla sa manche, Sonny recula dans la cuisine américaine, il attrapa une tasse et lui balança, le rata, une pile d’assiette qui s’effondra à ses pieds et le fit vaguement reculer, une cafetière, café brûlant, il poussa un cri quand ça gicla sur sa chemise. Sonny profita de l’instant le frappant de toutes ses forces au poignet, l’obligeant à lâcher son arme avant de lui balancer en pleine poire. Anderson recula, cracha une dent, Sonny tenta de le frapper une seconde fois mais il bloqua sa main et répondit par un coup de tête qui envoya Sonny valdinguer contre le comptoir. Anderson se jeta aussi tôt sur lui, le saisissant à la taille et dans un rugissement le fit passer par-dessus son épaule. Sonny se fracassa sur le plan de travail, éclatant au passage un verre et une assiette qui lui explosèrent dans le dos puis il l’attira par terre en lui attrapant une cheville. Sonny rua, un coup de talon dans la figure d’Anderson, l’autre tira plus fort et le fit violemment tomber du plan de travail avant de se jeter sur lui, et se mettre à lui cogner dessus méthodiquement. Sonny pouvait apercevoir son Beretta un peu plus loin par terre mais impossible à attraper et l’autre à califourchon sur lui qui frappait encore et encore comme un sourd, dans ses bras, sa mâchoire, son crâne et Sonny qui essayait de se protéger du mieux qu’il pouvait. Mais il réussit à passer une jambe et le balaya d’un coup, l’obligeant à frapper l’un des placards du bas, fendant la porte avec son crâne de fer. Sonny essaya d’en profiter pour atteindre son arme mais Anderson n’en n’avait pas terminé avec lui. Il l’attira vers lui en tirant une nouvelle fois sur sa cheville et lui tomba sur le flanc, Il le frappa en plein visage, dans l’oreille, à la mâchoire, à la tempe, dans les côtes, dans le thorax. Sonny pouvait sentir ses os comme vibrer sous les coups et son esprit clignoter de douleur, de sa main gauche il tentait d’attraper quelque chose qui puisse servir d’arme, de son bras droit il essayait de se protéger de la pluie de coups qui s’abattait sur lui comme un bombardier. Il sentit le bois d’un pied de chaise contre la pulpe de ses doigts, s’en saisi in extremis et le frappa de toute ses forces restantes à la tête. Deux longs clous fermaient l’extrémité du pied de chaise qui s’enfoncèrent dans le crâne d’Anderson. Ce dernier eut un moment de flottement. Sonny le repoussa d’un coup de pied et fonça sur son arme. Le temps qu’il la récupère et fasse sauter le cran de sûreté le pied de chaise rebondissait contre son épaule et Anderson était debout, le regard fou. Sonny tira sans réfléchir, trois balles. Le choc repoussa le caporal qui traversa la vitre derrière lui, tombant sur la terrasse. Sonny l’y rejoint pour l’achever. Trois balles dans le corps et une quatrième pour le compte, en plein poire. Mais cette dernière balle ne trouva pas son homme. Anderson se releva alors que Sonny lui tournait le dos et se jeta sur lui en lui faisant une clé, le forçant à lâcher son arme. Sonny frappa avec ses coudes dans les blessures d’Anderson tout en se disant que ce type était putain d’increvable mais le caporal ne voulait rien lâcher, il l’attirait vers le bout de la terrasse, inexorablement, tout en l’étranglant. Sonny commençait à se sentir sombrer, l’esprit qui s’obscurcissait faute d’oxygène. D’un coup sec du talon, d’un coup désespéré il écrasa le pied de son adversaire qui relâcha à peine la pression mais assez pour qu’il reprenne son souffle et d’un coup d’épaule le fasse passer par-dessus lui. L’autre poussa un hurlement en tombant dans le vide avant d’aller se fracasser sur sa Harley. Sonny tituba à l’intérieur et tomba nez à nez sur un prix accroché au mur, champion de Floride de MMA, ceinture d’or, catégorie poids moyen ça disait.

  • Putain de ta mère, grogna Sonny les dents branlantes.

La télé tournait en boucle sur toutes les chaines locales.

  • C’est ce matin qu’on a retrouvé William « Cody » Brenson, fils du gouverneur, assassiné dans son appartement, il y a trois jours….

Parfois dans la vie rien ne va, se disait Sonny, un sac de glace sur la joue en regardant les actualités. Il avait les yeux pochés, des éraflures partout, la bouche gonflée et fendue, trois points de suture, plus cinq sur le crâne, il avait des bleus partout. Merde, le fils du gouverneur, comment il aurait pu savoir ? Et dans quelle merde il s’était foutu là ? Jusqu’à quel point les flics avaient le mord ? Sonny pensait à Lily et ne regrettait rien, mais maintenant c’était la course en avant et ou la pièce tombait du bon côté ou il finirait dans le couloir de la mort. Pas d’alternative. Il avala un cachet d’oxycodone avec une rasade de vodka et se prépara un petit déjeuner sur le pouce, bacon, pancake et œuf quand on sonna. C’était toujours les mêmes, Bugsy et Malone qui venaient aux nouvelles.

  • Oh putain ! Qu’est-ce qui t’es arrivé !? S’exclama Malone en voyant sa tête.
  • Ouais y t’es arrivé quoi ? Renchérit Kid.
  • Si on vous d’mande… ronchonna Sonny en retournant à son petit déjeuner.
  • Bah justement on nous demande. Il parait qu’on a retrouvé un des gars du hold-up dans sa cuisine qui se vidait de son sang.
  • Ouais et alors ?
  • T’es au courant ?

Sonny ne répondit pas, son esprit occupé par le souvenir de cette journée. Il n’avait pas nettoyé derrière lui et une dizaine de personne pouvaient témoigner de sa présence. Combien de temps les flics mettraient avant de lui tomber dessus ? Il ignorait le nombre de film qu’on avait obligé sa fille à tourner, si O’Donnel en trouvait un autre il ne mettrait pas longtemps avant de faire le rapprochement.

  • Bon et alors c’est quoi le problème ? Grogna-t-il sans regarder ses interlocuteurs.

Ils échangèrent un regard incertain.

  • Tony veut te voir.

Sonny leur jeta un regard lourd et prit son téléphone.

  • Qu’est-ce que tu veux ?
  • Dis donc quand j’te convoque c’est pas pour t’avoir au téléphone, aboya Tony dans le combiné.

Sonny n’était pas affranchi, d’ailleurs il était moitié irlandais moitié polonais et n’avait donc aucun compte réel à rendre à White. Mais ce n’était quand même pas le client qu’on négligeait sous prétexte qu’on avait autre chose en tête.

  • Mc Fly est mort
  • Ouais j’suis au courant mais j’aimerais ne pas l’être par les poulets bordel ! Pourquoi tu m’as rien dit pour ce gus ?
  • J’étais pas sûr qu’il était impliqué, mentit Sonny. Qu’est-ce que t’ont raconté les poulets ?
  • On en parlera plus tard, amène toi, faut qu’on cause.

Sonny raccrocha en soupirant. Il n’avait pas envie que Tony le voit dans cet état mais quel choix on lui laissait ? Il s’habilla, s’arma en douce parce qu’avec ces mecs on savait jamais et les suivi.

  • Bah mon con j’espère que l’autre gars a eu son compte, dit Tony quand il entra dans le bureau.
  • T’inquiète, grommela Sonny en posant une fesse douloureuse sur le dossier d’un fauteuil.
  • Y t’es arrivé quoi ?
  • Un connard dans un rade.
  • Je croyais que tu fréquentais pas à cause de ton daron.
  • J’ai un boulot j’te rappel.
  • A ce propos t’as des nouvelles ?
  • Rien pour le moment.
  • Bin moi si. Figures toi que ton mec Bishop est allé voir un copain à moi qui est dans le cinéma.
  • Ah ouais ? Tu veux toujours que je m’en occupe ou t’as du monde sur place ?

C’était moins une question qu’un léger test. Est-ce qu’il se méfiait de lui ? Est-ce qu’il lui en voulait de pas lui avoir parlé de Mc Fly ?

  • Non, non, vas-y et ramène le moi, je veux lui causer en personne.
  • Tu veux que je te le ramène ? Tu sais qu’il va pas être d’accord et la Californie c’est loin.
  • J’veux pas le savoir ! Démerde toi !
  • Okay, okay, et les flics ils ont dit quoi ?
  • Les flics y te cherchent alors je serais toi je tarderais pas pour L.A.

Pourquoi O’Donnel ne l’avait pas prévenu ou au moins un des flics qu’il connaissait ? Pourquoi ils n’étaient pas simplement venus chez lui ? Des histoires de flic peut-être, des chicanes entre brigade, ou alors cette affaire Cody…. Merde, pensa-t-il à nouveau, et lui qui se baladait avec une photo de son cadavre dans son téléphone. En attendant il était d’accord, pas question de tarder pour la Californie ne serait-ce parce que Bishop y était et cette fois il prendrait ses précautions vu que c’était un ancien militaire. Et un cintré notoire. Le copain de Tony lui avait donné l’adresse qu’avait laissée Bishop, il avait regardé sur le net, un petit hôtel sur Sunset Boulevard mais avant de partir il voulait être au clair avec les poulets. Il n’avait pas envie d’un avis fédéral contre lui. Il appela O’Donnel.

  • Si on te cherche j’suis pas au courant, je vais voir ça avec le capitaine, mais tu sais pour l’instant c’est surtout l’affaire Brenson qui nous occupe.
  • Ouais j’ai vu ça aux infos, sacrée histoire, vous avez une piste ?
  • Ah tu sais bien que je peux rien te dire mais bon si tu veux savoir on s’oriente vers un meurtre pédé.
  • Ah ouais pourquoi ?
  • Il lui a coupé la bite, d’après le lieutenant c’est un truc de pédé.
  • Il était pédé le fils du gouverneur ?
  • A voile et à vapeur à ce qu’on dit. Mais motus hein !
  • Eh oh c’est moi Sonny t’as oublié, je suis pas un civile moi, fit-il semblant de se fâcher.

Il entendit O’Donnel ricaner dans le téléphone.

  • Okay comme tu veux, bon et pour ton problème je vais voir ce qui s’passe.

Sunset Boulevard débordait de clone de star et de superhéros cheap, de mimes foireux, de clochards, de putes et de camés qui n’étaient pas redescendu de leur trip depuis onze ans et cinq jours et de touristes. Ca ressemblait à un cirque aux attractions tristes, comme de regarder des vieux éléphants en tutu rose en train de mourir. Sans compter l’épaisse chaleur due aux incendies autour de la ville, comme chaque été, le ciel était orange. Sonny était allé voir le copain de Tony, un producteur de cinéma plus ou moins foireux de série B Direct To Vidéo qui avait sans doute trop le nez dans la poudre pour se rendre compte avec qui il fricotait. Après quoi il s’était procuré le nécessaire pour s’occuper de son client. Il n’avait aucune intention de le ramener à Paradise, et même s’il n’avait rien eut contre lui il se serait épargné cette corvée. A quoi bon de toute façon, Tony en ferait du petit bois quand même. Autant que ça soit lui qui s’en charge, ses motivations étaient meilleures. L’hôtel que Bishop s’était choisi était un de ces établissements miteux pour étudiant sans le sou, touriste égaré et futur star dans le besoin. Le genre d’endroit qui avait dû accueillir plus de rêves de gloire que dans l’imagination d’un camé et sans doute guère de réussite. Bishop était un type de taille moyenne et large d’épaule, perpétuellement vêtu d’une veste de treillis et d’un jean délavé, ses verres jaunes sur le nez. Pas de trace d’indien avec lui, il prenait ses repas dans un diner remplit de fausses Marylin et de superman de pacotille, d’Elvis pour touriste et de James Dean grassouillet. Du toc et du kitch à l’état brut. Sonny était déjà allé à Las Vegas pour le travail, il avait détesté la ville, sorte de parc d’attraction pour adulte tout en néon et boursouflures de nouveau riche, un cauchemar de nazi. Mais Sunset boulevard avait un côté carnaval triste qui soulignait la débine. Bishop aurait pu se payer le Château Marmont avec le fric du braquage, comme des centaines de stars mais d’après ce que lui avait raconté le producteur, il comptait tout mettre dans la mise en œuvre de son scénario, réclamant même d’en être le réalisateur. Le producteur lui avait promis tout ce qu’il voulait entendre, d’ailleurs il aimait bien le scénario, l’histoire d’une équipe de mercenaires en Iraq qui faisaient les quatre cent coups. En attendant il était où ce fric ? Sonny avait profité que Bishop aille manger dehors pour visiter sa chambre, en vain. Sa seule dépense visible en dehors de sa chambre d’hôtel et de ses repas c’était la voiture d’occasion qu’il s’était payé, une Ford familiale couleurs chocolat des années 90 avec laquelle il allait visiter tous les producteurs indépendants de la ville. C’est dans celle-ci, alors qu’il remontait à bord, son scénario sous le bras, qu’il le piégea à coup de Taser. Ils étaient sur une colline qui dominait la ville du côté de Mulholland Drive quand Bishop émergea, les mains attachés au volant.

  • Tu aimes le cinéma hein ? Lui demanda joyeusement Sonny assis à ses côtés.
  • Qu’est-ce que tu veux, t’es qui toi !? Aboya Bishop en essayant de se libérer, sans succès.

Sonny ne répondit pas, il alluma son portable et lui proposa la photo qu’il avait prise de Cody.

  • Tu te souviens de lui… ? T’as dû voir sa bobine aux actualités récemment non ?

Bishop fixa la photo et ricana.

  • Alors c’est toi qui a buté ce petit connard ? T’as débarrassé la terre d’une belle ordure.

Ce n’était pas la réaction à laquelle il s’attendait mais pourquoi pas.

  • Contant que ça te plaise, ça va nous permettre de partir sur des bases saines…. Tu m’as pas répondu tu aimes le cinéma non ?
  • C’est quoi cette question à la con ?
  • Ca te rappelle rien cette situation que nous vivons là tout de suite, Man on Fire avec Denzel Washington qui est lui-même le remake d’un film français d’ailleurs…

Il sorti un sécateur de sa poche, Bishop loucha dessus avant de le fixer froidement.

  • Qu’est-ce que tu veux ?
  • Où est ma fille ?
  • Ta fille ? C’est qui ta fille ?
  • Lily, une gamine que t’as filmé en train de se faire baiser par cette ordure de Cody et son pote Anderson, dans un parking, tu te souviens maintenant ?

Oui il se souvenait, ça se lisait dans ses yeux.

  • J’y suis pour rien, c’est pas moi qui organisait ça.
  • Qui ?
  • Bennet. C’est lui qui fournissait les filles.
  • C’est qui ce mec ?
  • Un comptable j’crois, il travaille dans le cinéma.
  • Et il est où ce Bennet maintenant ?
  • A ce que je sais moi !
  • Fais attention mon ami, dit-il en faisant claquer le sécateur.
  • J’te jure j’en sais rien on lui a donné sa part il s’est tiré c’est tout ce que je sais !
  • Sa part ?
  • C’est lui qui nous a mis sur le braquage !

Le cerveau de l’affaire, enfin, il fallait absolument qu’il mette la main sur ce mec.

  • Comment il était au courant ?
  • J’en sais rien.
  • Mon ami, mon ami…

Le sécateur se referma doucement sur son index.

  • Je sais où est ta fille ! Je sais où est ta fille ! Hurla Bishop.

Le sécateur ne bougea pas.

  • J’allais y venir, alors où elle est ?
  • Hawk, elle est avec lui.
  • Qu’est-ce qu’elle fait avec lui ?
  • Un transfert, ils échangent des filles blanches contre des mexicaines.
  • Quoi !?

Il ne lui coupa aucun doigt, inutile, Bishop se confessa sans réfléchir. Après quoi il lui colla une balle dans le crâne, et mit le feu à la voiture. L’argent était enterré dans un jardin non loin de l’hôtel, il lui avait donné l’emplacement exact. Hawk était en route pour El Paso. Trois filles avec lui dont Lily et un autre gars.  Bennet attendrait, il fila à l’aéroport et prit un billet pour la frontière. Par chance Bishop savait le lieu de livraison, une ferme à la périphérie de la ville. Sonny acheta un AR15 dans une foire d’arme tout en bénissant le Texas et un Glock, un gilet pare-balle, et de quoi bivouaquer avant d’aller s’enterrer dans les environs de la ferme. Il avait emporté de l’oxycodone avec lui et de la dexedrine, il alternait les deux pour rester éveillé tout en n’ayant pas trop mal. Il se promit d’arrêter ces conneries sitôt qu’il retrouverait sa fille. D’ailleurs il avait commencé peu de temps après sa disparition, ainsi la boucle serait bouclée. Avec les armes, et parce que ce sacré Texas était fan du second amendement, il s’était acheté les jumelles de vision nocturne échouées d’un surplus de l’armée. Et toutes les nuits il pouvait observer le balai des pick-up et des camionnettes autour de la ferme. Il estimait qu’il devait avoir une douzaine de personnes là-bas, occupés à gérer du clandestin. Il pouvait les observer sortir d’une grange et monter dans une camionnette ou une autre, la sortie du tunnel devait probablement déboucher sur l’intérieur de la grange. Parfois il en voyait qui étaient dirigés vers une autre partie de la ferme, une autre grange à l’écart et c’était essentiellement des femmes et des gosses. Dans la journée tout était calme, quelques types allaient et venaient, certain était armé d’autre pas. Sonny n’avait pas l’âme ni les compétences d’un Rambo, il comptait intercepter Hawk avant qu’il n’arrive à destination. La ferme était en effet éloignée de la route de trois kilomètres environs, pour la rejoindre il fallait passer par un chemin de terre gardé par une barrière et un type dans son pick-up. Les mexicains étaient organisés et ils se cachaient à peine. L’attente dura trois jours et trois nuits. Pour tenir il faisait des micros siestes et quand un sommeil plus lourd menaçait il chantonnait cette comptine qu’il récitait parfois à sa fille et que tous les enfants anglo-saxons avaient un jour entendu, Mc Donald and his farm. Ca lui faisait des souvenirs et ça décuplait sa haine et sa volonté de retrouver Lily. Jusqu’à ce qu’une camionnette blanche se pointe dans l’aube rose.

Hawk roulait depuis la Floride, se relayant avec Mike, les filles shootées et menottées à l’arrière. Ils n’avaient pas empruntés les routes principales pour éviter les patrouilles mais surtout les embouteillages. Avec cette chaleur qui semblait envahir l’Amérique tout entière, pas question de rester à stationner comme des cons. Les filles devaient rester en vie. Toutes les trois heures Mike sortait le bidon d’eau et leur en distribuait. Ils avaient aussi acheté des sandwichs qui les forcèrent à manger. Hawk, Bishop et Mike ça remontait de l’armée en Iraq et en Afghanistan, ils avaient fait deux tours sur place dans les Rangers. Mike était agent de sécurité dans une tour de Coconut Grove aujourd’hui, Hawk n’avait jamais retrouvé d’emploi stable, il était un peu l’homme à tout faire de ce type, Bennet. Quand ce dernier lui avait proposé de faire ce braquage avec Bishop il y avait vu une occasion. Rien de plus… Si seulement cet abruti de Mc Fly n’avait pas merdé il n’y aurait pas eu de mort… Mais c’était comme ça et on ne pouvait pas revenir là-dessus, il y avait plus important aujourd’hui, il y avait sa sœur.

  • Qu’est-ce qu’il fout ?
  • Il doit dormir, va voir.

Il avait fait des appels de phare pour que l’autre ouvre la barrière, donné un coup de klaxon, en vain. Mike sauta de la cabine et obéit, son automatique dans la main. Le type dormait bien, un chapeau de paille rabattu sur le nez.

  • Eh oh pendejo on est là, dit Mike en toquant sur la portière.

Le canon du Glock lui rentra pratiquement dans la bouche.

  • Jette ton calibre cowboy.

Mike balança son automatique dans le sable et recula prudemment, prêt à agir. La moindre erreur et il pouvait tuer Sonny d’une seule main. Sonny sauta du pick-up et lui fit signe d’aller vers la barrière. Il avait le cerveau comme une turbine et la rage au ventre mais surtout il brûlait de revoir sa fille, et dans ces moments-là tout devient détail, la moindre chose compte, l’odeur de transpiration du type, l’air frais du matin, sa façon de marcher, ses mains bien en vue, le regard de l’indien derrière le volant.

  • Tes mains sur le volant connard ou je le bute !

Sonny gardait ses distance, il voulait éviter l’affrontement parce qu’une balle perdue ne l’est pas forcément pour tout le monde. Il fit signe à l’indien de sortir de la camionnette, ce dernier s’exécuta sans résistance. Il leur fit signe de passer à l’arrière et ordonna à l’indien d’ouvrir la portière et de faire sortir les filles. Il avait le cœur qui battait la folie à l’idée de la retrouver, comme un rendez-vous amoureux et en même temps sa colère était pleine, il allait tuer ces deux-là sitôt qu’il l’aurait mis à l’abri.

  • Les filles elles dorment.
  • Qu’est-ce que vous leur avez donné ?
  • Du Valium.
  • Réveilles les fils de pute, siffla Sonny.

A nouveau l’indien obéit. Elles sortirent les unes après les autres, l’air hébété, le visage hâve, les lèvres craquelées par la soif et la chaleur, les poignets meurtris par leurs menottes.

  • Lily ? Lily tu te souviens de moi ? C’est papa !

Hawk et Mike échangèrent un regard surpris. Elle leva les yeux sur le pistolet qui s’approchait.

  • Lily ma chérie c’est papa !

Elle se mit à geindre de peur, Sonny compris.

  • Non n’est pas peur, ce n’est pas pour toi, c’est pour ces deux salopards.

Elle lui jeta un regard mi interrogatif mi triste, elle n’avait pas l’air de tout comprendre, pas même de le reconnaitre. Il insista.

  • Tu te souviens chérie quand on allait au cinéma ensemble sur Macéo et qu’après on allait manger une pizza chez oncle Franky… Tu te souviens mon bébé ?

Il était presque suppliant maintenant, et ne prêtait plus du tout attention aux deux autres, ce qui n’échappa pas à Mike. D’un bond de chat il fut sur lui et le frappait si fort à l’articulation du poignet qu’il lâcha le Glock dans le sable avant de se prendre un terrible coup de poing à la mâchoire qui l’envoya au tapis. Toutes ces heures d’attente, toute la came qu’il avait avalée pour tenir et toute cette rage qu’il gardait en lui se détendirent à ce moment-là, alors qu’il grognait le nez dans la poussière et que l’autre allait ramasser son pistolet. A son tour il se jeta sur lui en grondant comme un ours et le terrassa, le frappant de toute ses forces en pleine figure, ignorant l’indien qui le tirait en arrière par les cheveux et le frappait dans la nuque. Sonny était presque aveugle, un voile noire couvrait sa vue périphérique, une volonté d’acier à tuer ces deux fils de pute à coup de poing si nécessaire coulait dans ses veines.

  • Arrêtez ! Arrêtez ! Ou J’tire !

Mike et Hawk avait renversé la vapeur et ils tabassaient maintenant Sonny qui essayait de rendre coup pour coup mais la gamine avait ramassé le Glock et le pointait sur eux trois.

  • Reste tranquille petite, t’es fatiguée, dit Mike en essayant de s’approcher.
  • Un pas de plus et je tire, siffla-t-elle. Papa lèves toi et viens !

Sonny ne put s’empêcher de sourire de fierté et obéit. Puis il s’empara doucement du Glock et dit à l’indien.

  • Toi, où est le fric de Tony ?

Mike et Hawk échangèrent un nouveau regard entendu.

  • Dans la cabine.
  • On va le chercher.

Il leur fit signe d’avancer, il avait des acouphènes, ces deux-là tapaient comme des sourds. Hawk sorti un sac de sport d’entre les sièges. Six cent mille dollars en billet de cent et de vingt.

  • Fais pas ça s’il te plait, demanda Hawk alors qu’il vérifiait le contenu du sac.
  • Fais pas quoi ?
  • Prend les filles mais prend pas l’fric. On en a besoin.

C’était lui qui suppliait maintenant, Sonny le regarda froidement.

  • Qu’est-ce que j’en ai à foutre de tes besoins fils de pute. Maintenant va libérer les filles !
  • Ecoute ce que j’ai à dire au moins, s’il te plait.

Hawk se mis à parler très vite, sa sœur avait été enlevé avec une bande de lycéennes à Tijuana. Le cartel avait posé ses conditions, l’argent et les filles devaient leur servir à la récupérer.

  • Je te jure qu’on comptait pas les échanger c’était juste pour qu’on puisse passer, il ne nous aurait jamais laissé entrer sans elles.
  • Ils sont une armée là-dedans, vous comptez faire comment quand ils comprendront que vous ne leur laissez pas les filles ?

Mike et Hawk échangèrent un regard entendu.

  • On est venu équipé…
  • Equipé ?

Alors ils lui montrèrent ce qu’il y avait dissimulé sous le banc des gamines. Deux gilets pare-balle, un AR15, deux Sig Sauer P226 et un fusil sniper lourd Barrett, des grenades. Sonny était impressionné, ces deux-là se prenaient vraiment pour Rambo.

  • Vous n’avez aucune chance, commenta-t-il
  • Si tu nous laisse le fric on en a une petite, plaida l’indien. S’il te plait pense à ta fille, ma sœur est là-bas avec ces salopards…

Mais Sonny avait des ordres et maintenant qu’il avait récupérer Lily strictement rien à foutre de ces deux-là. Mais sa fille elle ne l’entendait pas de la même oreille.

  • Papa, laisse-leur l’argent, ils ont rien fait.
  • Ils vous ont baladé dans cette camionnette menottées comme des animaux sur la moitié du pays ! Ils t’ont exploité !
  • Non, pas eux, c’est monsieur Bennet qui a donné les ordres, c’est lui le responsable.
  • Peut-être mais tu comprends ma chérie je ne peux pas leur laisser l’argent j’ai des ordres, plaida-t-il.
  • On s’en fiche ! Aide-les papa.
  • Que je les quoi ?
  • Aide-les.

Il n’était pas question qu’il risque sa vie pour ces deux-là. Quel que fut l’enjeu il avait retrouvé Lily et il comptait juste se tirer avec elle et les filles et ramener l’argent. Mais sa fille avait une autre opinion et elle n’en démordait pas, s’il ne les aidait pas il ne serait plus jamais son père.

  • Mais je ne comprends pas chérie, tu ne veux pas qu’on rentre tous simplement à la maison ? Répondit Sonny totalement désemparé.

Alors Lily eut cette réponse grave d’une gamine qui avait disparue deux ans durant aux mains de salopards, une réponse qui failli le faire fondre en larme.

  • Je veux pas qu’une autre fille subisse ce que j’ai subi, aide-les papa, je t’en supplie.

Sonny adressa un regard désemparé aux deux autres, puis demanda :

  • Vous avez besoin de quoi ?

Au bout de la piste il y avait une seconde barrière tenu par deux hommes dont un portait à l’épaule un AK47. Cinq minutes plus tôt ils avaient reçu un appel en espagnol leur certifiant que tout était okay, les filles étaient là. Ils laissèrent passer la camionnette sans vérifier, indiquant une des granges à l’indien. Une dizaine de femmes et d’enfants se tenaient là attendant d’être dispatchés à travers l’Amérique, tous avaient l’air autant fatigués qu’effrayés par leurs gardiens, quatre hommes dont deux étaient armés. L’un d’eux s’avança en voyant la camionnette pénétrer à mi-chemin dans la grange, il avait les cheveux longs, portait un ceinturon en forme de crotale, des bottes en peau de serpent et une énorme bagouze en or et diamant à l’auriculaire.

  • T’es en retard, reprocha-t-il à l’indien quand Hawk sauta du véhicule.
  • Oui mais j’ai l’argent.

Il jeta le sac à ses pieds. L’autre se pencha dessus et sorti une liasse satisfait.

  • Il y a le compte ?
  • Un demi-million, comme demandé
  • Et les blanches ?

Hawk fit signe vers l’arrière de la camionnette. Il venait d’apercevoir sa sœur dans le groupe, ça le rendit soudain nerveux. Le chef fit signe à un de ses hommes d’aller les chercher. Hawk lui fit signe de ne pas bouger, lui montrant le Sig qu’il avait glissé sous sa veste.

  • Ma sœur d’abord.

Il y eut un instant de flottement pendant lequel les uns et les autres s’observèrent puis le chef demanda :

  • C’est laquelle ta sœur ?

Hawk lui montra du doigt, Mary le fixait, des larmes aux yeux. Un signe et on l’amenait au chef. Avant que Hawk n’ai fait un geste, il sortait un poignard à lame courbe et le pointait sur la jugulaire de Mary.

  • Tu veux jouer au con avec moi pendejo, j’en ai rien à foutre de cette fille. Tu veux la récupérer tu me donnes les blanches.

Hawk leva les mains en signe de rémission, il avait peur pour elle maintenant et ce n’était pas bon. Pas bon d’être aussi nerveux, pas bon que cette lame soit aussi près de son cou, pas bon du tout et imprévu. Quelques secondes plus tard l’homme revenait de l’arrière de la camionnette, Sonny qui le tenait par le col, le canon de son AR15 pointé contre sa pommette.

  • C’est quoi ces conneries ? Commença par dire le patron de la bande.
  • Relâche là où il va y avoir du grabuge mon ami, répondit sur un ton sourd de menace.
  • FILS DE PUTE ! hurla le mexicain en tirant la tête de Mary en arrière pour l’égorger.
  • NON !

Et soudain la tête du mexicain éclata en mille morceaux, dispersée par une balle de 50 BMG. Mike était sniper dans les Rangers, il entendit brièvement le crépitement d’une fusillade qui éclatait à l’intérieur, autant que les autres gardes qui accouraient des quatre coins de la ferme, six hommes au total. Il faucha les jambes de l’un d’eux qui s’approchaient de la grange, les lui arrachant à hauteur des cuisses. Il volatilisa la moitié d’un autre non loin de la barrière quand on répliqua au hasard dans sa direction, faisant siffler les balles autour de lui. Mais il avait prévu le coup, aplati sous une bâche grise, quasi invisible à moins d’avoir le nez dessus. Il appuya sur la détente, arrachant un des hommes du sol dans une gerbe de sang et d’os. A l’intérieur Hawk s’était jeté sur sa sœur tout en dégainant son arme et Sonny collait une balle dans la tête de son otage avant d’abattre un second d’une rafale de trois, puis pendant quelques secondes intenses ce fut à qui tuerait l’autre le premier, les projectiles fusant dans tous les sens au mépris de la vie des femmes et des enfants, occupés à fuir par tous les côtés. Dehors le canon du Barrett rugissait fauchant les uns après les autres tous ceux qui s’approchaient de la grange. Puis d’un coup les femmes et les enfants surgirent de la grange, se mêlant aux gardes, empêchant Mike de faire feu. Un homme en profita pour se glisser par l’arrière de la grange et entrer avec son fusil à pompe. Aussi tôt il aperçut Sonny qui abattait un des hommes, il fit feu en retour, arrachant Sonny du sol dans une volée de plombs de 12. Hawk essayait de récupérer son arme, blessé au bras par une balle, toujours aplati sur sa sœur qui gémissait de peur quand l’autre s’approcha en rechargeant. Dehors Mike était sous un tir croisé maintenant, deux types cachés qui derrière des pneus, qui à hauteur d’un pick-up tirant à feu nourri. Impossible de se déplacer sans risquer sa vie mais impossible de rester sur place ou un projectile finirait par le trouver. Mike choisi pourtant la seconde solution, froid comme une banquise, il visa l’arrière du pick-up et pria pour que le réservoir soit plein. Sonny, couché sur le dos comme un cafard, le gilet pare-balle fumant, vida son chargeur sur le type avant qu’il n’ait achevé l’indien au même moment quelque chose explosait au dehors. La bataille dura encore quelques minutes puis tout s’arrêta faute de combattant. Hawk avait pris une balle dans la hanche, juste en dessous de son gilet, Mike lui appliqua les premiers soins. Sonny avait eu de la chance mais son gilet était fichu.

  • Comment il va ?
  • T’inquiète il en a vu d’autres.

Hawk grimaçait à peine alors que Mike était occupé à le piquer autour de la plaie.

  • Je suis désolé les mecs, je suis obligé de reprendre l’argent…
  • Vas-y j’en veux pas de ce fric, il porte la poisse.
  • Tiens, tant que je t’ais, tu sais pas où je pourrais trouver Bennet, j’ai deux mots à lui dire.
  • Non désolé mais il avait une maison aux Bahamas dans le temps, peut-être que…

Sonny et les trois gamines reprirent la route pour Paradise City, ils s’arrêtèrent toute fois dans un motel pour qu’il puisse dormir tout son saoul. Le lendemain il était en ville et appelait O’Donnel. Il vint le voir alors qu’il était à l’hôpital attendant que les filles soient examinées. Le sergent était de méchante humeur.

  • Je sais pas dans quel bordel tu t’es foutu mais je devrais t’arrêter.
  • T’expliques ?
  • C’est plutôt à toi d’expliquer, rugit le sergent. Ils ont retrouvé une de tes empruntes chez un certain Anderson mort défenestré après une rouste mémorable et qu’est-ce qu’il t’a fait ce Mc Fly pour que tu le mettes dans cet état, t’es devenu fou Sonny !?

Sonny se fichait un peu de tout depuis qu’il avait récupérer Lily. Lily qui ne s’était pas montré très loquace du voyage, mais il voulait bien comprendre après ce qu’elle avait dû subir deux ans durant. Même Bennet il s’en foutait un peu, si ce n’était pas lui les gars de Tony s’en occuperaient tôt ou tard. Alors aller en taule pour ce qu’il avait fait, ça ne l’aurait pas effrayé plus que ça s’il n’avait craint d’être séparé d’elle à nouveau. Heureusement il avait gardé le film avec Cody et Anderson. Alors il raconta tout sans omettre le moindre détail et même la conclusion de cette histoire, Hawk et son copain, la ferme, les mexicains… O’Donnel garda un silence songeur tout du long de sa confession puis déclara :

  • Tu te rends compte qu’après ce que tu viens de me balancer je vais être obligé de t’arrêter.
  • Tu vas rien faire du tout ou je balance la vidéo à la presse, je suis certain que pas mal de gens seraient ravi de savoir que le fils du gouverneur était un putain d’amateur de petite fille.

O’Donnel connaissait Sonny depuis assez longtemps pour savoir qu’il ne parlait jamais dans le vide mais il ne pouvait pas simplement le laisser partir sans rien faire.

  • Ca fera sûrement scandale, et après ? Tu sais ce qui se passera ?
  • Dis-moi.
  • Rien. Il ne se passera rien et tu seras toujours suspect dans deux affaires de meurtre. Et si tu as un peu de chance le gouverneur ne t’enverra personne pour te faire payer d’avoir amené ce scandale. Rien de plus Sonny. En réalité tu n’as rien mon vieux, tu comprends ?
  • Possible mon ami, possible, comme il est possible que je vous amène en plus un réseau sur un plateau.

Le policier fronça les sourcils. Quand Sonny appelait quelqu’un mon ami c’est qu’il ne l’était pas ou plus, qu’est-ce qu’il mijotait

  • Qu’est-ce que tu racontes ?
  • Je sais qui est derrière tout ça, l’affaire de Tony et le film.
  • T’as un nom ?
  • Pour l’instant je le garde pour moi, j’ai un boulot pour Tony à terminer je te rappel.

O’Donnel réfléchit, il faudrait tôt ou tard qu’il en réfère à son lieutenant mais si Sonny était sur une piste, le connaissant, il était possiblement à l’orée d’une belle affaire.

  • Okay, comme tu veux, je te laisse 48 heures et après je lâche les chiens.
  • Trois jours, fit Sonny en faisant le signe trois avec la main, laisses moi trois jours, je dois m’occuper de Lily d’abord, ça fait deux ans qu’on s’est pas vu.

Le médecin était justement en train d’arriver, O’Donnel lui fit signe que c’était d’accord. Trois jours, pas un de plus.

Toute sa vie Thomas Bennet s’était vu comme un homme moyen. Taille moyenne, vue moyenne, visage moyen, ni beau ni laid, carrière sans envergure, et quotidien morne. Comptable indépendant, il travaillait pour un peu tout le monde en ville, était habile dans les doubles voir les triples comptabilités, les chiffres en général, c’était la seule exception à cette vie moyenne, il en fallait bien une. De fait quelques noms connus ornaient son répertoire de client qui aurait sûrement intéressé le fisc mais ça ne le regardait pas. Bennet était un homme aussi moyen qu’il était discret et fiable. Enfin, fiable… ça dépendait pour qui et pourquoi. Trois millions de dollars et la garantie de foutre le camp de cette vie de merde, lui semblait une bonne raison de ne plus l’être. L’idée lui était venue quand il avait connu Hawk et son copain Bishop. Deux vétérans à la dérive comme tant d’autre qui lui avaient semblé assez dingues pour commettre l’impensable, braquer la mafia. Bishop avait des ambitions cinématographiques et Hawk besoin d’argent, pourquoi ne pas s’associer ? Et comment savait-il pour l’argent ? Parce qu’il avait un secret, le secret des hommes moyens, gris, des monsieur Personne, les gens ne faisaient pas attention à lui. Alors ils parlaient sans réfléchir. Et pour cette même raison il était certain que jamais Tony White ne ferait le rapprochement, tant il l’avait toujours considéré comme insignifiant. Oui un plan brillant et simple, organisé par Bishop qui avait déjà monté des embuscades là-bas, à la guerre. Bishop qui s’était également chargé du recrutement, des types qu’il avait connu en taule. Bishop était beaucoup allé en taule à une période. Pour des bagarres essentiellement. Oui des kamikazes, exactement ce qu’il voulait et c’est ce qu’il avait eu. Mais comment il aurait pu savoir que le neveu de Tony était du convoi ? Il savait l’attachement des siciliens pour la famille et maintenant il était inquiet. Bien sûr il était loin, et partirait bientôt encore plus loin, mais pour plus de sécurité il avait fait équiper sa maison d’une alarme, de caméras et d’un gardien armé, sans compter le garde du corps qui l’accompagnait partout. Pourtant ce soir-là, alors qu’il rentrait d’un excellent diner en compagnie d’une ravissante, un homme l’attendait dans son salon, entièrement vêtu de noir, un pied posé sur le cadavre du gardien dont le sang imprégnait la moquette. Le garde du corps n’eut pas loisir d’agir. Le type lui tira une balle en pleine tête sans sommation puis demanda :

  • C’est ta copine ?

Bennet fit signe que oui, terrifié. L’autre lui tira également une balle.

  • Voilà, maintenant qu’on est tranquille on va pouvoir parler tous les deux.

Sonny n’aimait pas prendre l’avion, le bruit au décollage, les vibrations, ça lui fichait des angoisses, mais cette fois, en revenant des Bahamas il n’y pensait même pas. Limite ça collait avec la rage qui bouillait en lui, un bloc de haine pure mis au feu qu’il essayait de calmer avec de la vodka. Franck avait retrouvé Lily et Lily avait retrouvé Franck, c’était la seule chose heureuse qui était arrivé depuis le Texas. Les services sociaux, les médecins s’occupaient d’elle et c’était bien comme ça, cette gosse avait vécu l’enfer. Ils l’avaient violé, tabassé, sodomisé, camé, ils lui avaient refilé le sida… Trois jours qu’elle ne dormait pas ou prou en dépit des médicaments, plantée devant la télé avec Franck qui se laissait tripoter. Et Sonny n’avait pas eu le cœur à l’obliger, on lui avait assez fait faire de chose contre son grès. Il sentait aussi une défiance envers lui, parce qu’il était un homme, parce qu’il était ce qu’il était, un type capable de tuer de sang-froid, il l’effrayait et il n’avait pas besoin qu’elle parle pour le comprendre. Deux ans qu’il était sorti de sa vie mais pour elle ça devait faire un siècle. Un siècle où au lieu de grandir sainement, elle avait été la victime involontaire de tout ce qu’il y avait de plus noir dans l’humanité. Elle fumait aujourd’hui. Ca il avait bien essayé de lui interdire mais elle avait fait comme si elle n’avait rien entendu, mutique, avec sa télécommande, sa clope et son chat. La Mustang l’attendait sur l’asphalte mou et brûlant du parking de l’aéroport, il monta à bord, ouvrit la boite à gant et vida le reste du flacon de Dex’ dans sa paume, une demi-douzaine de gélules, de quoi planer méchamment à cent à l’heure. Puis il démarra et roula en direction de l’est de la ville. Il se sentait étrangement calme pour un homme dans son état, comme si toute la haine qu’il avait en lui ne formait plus qu’un seul fluide glacé dans son sang. Et tout en roulant il pensait au rire de Bennet. Oui ce connard avait osé rire. Rire de lui, rire de son ignorance, rire de toute la saloperie dont il s’était lui-même involontairement fait complice. Sonny l’avait tué salement. Il se gara le long du trottoir et regarda le bar qui faisait l’angle. Fils de pute pensa-t-il avant de sortir et d’ouvrir le coffre. Fat Joey était comme d’habitude sur le pas de porte de sa boutique, un de ses commis derrière lui occupé avec un client. Il se ventilait avec un journal, gras, les épaules poilues, en tricot de peau.

  • Hey Sonny ! Qu’est-ce que tu fous avec ça en pleine rue ? Le héla-t-il alors que Sonny s’approchait, la démarche nonchalante.

Les gorilles de Tony eux aussi étaient sur le pas de porte, trois gus occupés à prendre le soleil tout en tapant le carton. Sonny arma son fusil semi- automatique et abattu Joey le premier. Puis ce fut le tour d’un des gorilles alors que les autres s’enfuyaient à l’intérieur, deux balles dans le dos. Tony et Franky était au bureau quand ils entendirent les poc, poc caractéristiques de l’AR15.

  • Qu’est-ce qui s’passe ? Qu’est-ce que c’est que ce bordel ? Grogna Tony en s’emparant d’un automatique dans un tiroir.

Sonny entra dans le bar et rafala tout ce qui dépassait, deux hommes eurent la poitrine constellée de balles de 5,56 millimètres, un troisième fit feu planqué derrière une table renversée. Sonny prit la balle en pleine poitrine, arrêtée par son gilet, il percuta le mur derrière lui tout en répliquant. Les projectiles s’égayèrent derrière le bar, faisant éclater bouteilles et miroir puis le chargeur vide, tomba, éjecté automatiquement. Sonny allait en enfiler un second quand l’autre derrière la table lui flanqua une balle dans le mollet, arrachant un gros bout de chair dans une gerbe de sang. Sonny lâcha son arme principale et dégaina son Grizzly. Les ogives de 45 ACP déchiquetèrent le haut de table et firent éclater le front de son opposant quant au même moment Franky descendait du bureau, une lupara entre les mains, fusil de chasse à canon scié qu’affectionnaient les siciliens.

  • Fils de pute ! Hurla-t-il avant de presser la détente.

Ca fit un bruit sec d’explosion, le plomb vola en dispersion heurtant son gilet et ses épaules tandis qu’il faisait également feu sur Franky, blam ! Blam ! Blam !, la moitié d’un chargeur au jugé. Deux projectiles atteignirent Franky Pizza, un au cou un autre sous la clavicule. Il tournoya sur lui-même en se tenant le cou, essayant d’empêcher le sang de pulser par jet, avant de tomber, livide et comme surpris. Sonny n’eut pourtant pas le temps de reprendre son souffle, un autre soldat de Tony ouvrait soudain la porte de l’arrière-cour et faisait feu sur lui. Sonny échappa à la mort en se plaquant contre la moquette tout en vidant son chargeur, lui arrachant les orteils et une partie des pieds. L’autre s’effondra en poussant un torrent d’injures, Sonny fit tomber le chargeur et en enfila un autre puis il acheva le gars de deux balles alors qu’au même moment déboulait deux autres hommes de l’entrée principale. Ils tenaient des AK47, Sonny se releva dans la précipitation et plongea derrière le comptoir alors que les autres bousillaient tout à son passage. Puis il y eu un moment de calme, bref, durant lequel la poudre et le plâtre flottaient dans l’air sans mouvement, un instant durant lequel les deux nouveaux arrivants faisaient le tour de la pièce pour le prendre à revers.

  • Eh Sonny tu peux expliquer !? lança soudain la voix de Tony.
  • Fils de pute, Bennet m’as tout raconté !
  • Bennet ? C’est qui ça Bennet !?
  • Le comptable, celui à qui tu faisais faire tout le sale boulot avec les gamines.
  • Je vois vraiment pas de quoi tu parles, barbota Tony.

Sonny ne s’attendait de toute façon pas à une confession maintenant, il surveillait les reflets autour de lui et attendait.

  • Vas te faire foutre, Lily a le sida à cause de toi !

Cette déclaration fut suivie d’un autre silence, puis il aperçut au-dessus de lui la silhouette d’un canon. Sonny planta son 45 contre la paroi du comptoir et tira. Les balles traversèrent son adversaire, l’AK partit en rafale vers le plafond, l’autre passa derrière le bar et tira, déchiquetant le planché autour de Sonny et une de ses jambes, Sonny lui vida le reste du chargeur à hauteur de la poitrine. Il percuta le mur sous le choc et tomba le visage grimaçant. Sonny était trop plein d’amphet et d’adrénaline, de haine pour ressentir quelque chose, juste sa jambe insensible et plus lourde. Il ne chercha pas à se relever, il attendait Tony.

  • Non vraiment Sonny, tu viens de te foutre dans une drôle de merde parce que je vois vraiment pas de quoi tu parles.

Pas de réponse, juste le bruit d’un gars qui rampait, Tony hasarda un œil. Des cadavres partout, le bar en chantier, la porte du fond qui était ouverte. La cour donnait sur la rue passé une porte en ferraille. Mais Sonny n’allait pas s’enfuir, Sonny voulait sa peau, Sonny savait des choses ou du moins le croyait. Il l’aperçu par un éclat de miroir qui tentait de sortir de derrière le bar, une large trainée de sang derrière lui. Il se précipita et lui coinça le mollet sous le pied, Sonny hurla de douleur.

  • Je ne comprends pas on a toujours bien traité et c’est comme ça que tu dis merci ?
  • Fils de pute t’es le parrain de Lily et tu l’as mis sur le trottoir !

Il appuya plus fort, faisant à nouveau hurler Sonny.

  • Je t’assures moi je suis au courant de rien, c’est ton comptable qui devait gérer ça j’imagine.
  • Et toi qui encaissais.

Tony haussa les épaules.

  • Sans doute, c’est les affaires…

Il n’avait vraiment pas l’air au courant mais il prit ça quand même pour un aveu et la haine, l’adrénaline peut vous faire faire des choses folles comme se retourner en dépit du poids de Tony et chasser sa jambe avec une jambe blessée. Tony tira, Sonny tira avec son Beretta de secours, les balles fusèrent, certaine s’égayèrent, d’autres pas.

Lily se tenait sur la plage, lèvres noires, mascara charbonneux, look gothique cimetière, clope au bec l’adolescence quoi. Pas loin d’elle, étalé comme un pacha sur le sable brûlant, Franck se chauffait le ventre. Elle avait un clou argenté dans la lèvre inférieure, une bague tête de mort à l’index, un pentacle à l’envers entre ses petits seins. Son psy ne faisait pas de commentaire à ce sujet ni au reste, il l’écoutait avec cette fausse bienveillance des sauveurs professionnel, du moins est-ce ainsi qu’elle le percevait. Et elle en avait autant pour les travailleurs sociaux et la famille d’accueil qu’on lui avait attribué. Rien de plus que des sauveurs assortis d’une belle bande de tarés. Entre ses cuisses de haricot, des Doc Marten’s aux pieds, il y avait un petit sac évidemment noir avec une tête de mort dessus. Elle fourra la main à l’intérieur et en sorti un petit 357 magnum en acier brossé. C’était lourd, un kilo trois de bon acier et on se sentait immédiatement puissant et dangereux avec ça. Investit soudain d’une responsabilité, ce révolver était une responsabilité. Du haut de la dune un homme en noir l’observait, derrière lui se tenait une limousine Mercedes noire également. Lily ouvrit le barillet et sortit une balle de son logement. C’était lourd aussi dans le creux de la main, ça brillait d’un éclat sauvage au soleil, comme un petit trésor mortel. Elle remit la balle en place et referma le révolver, le pointant vers le tanker au large.

  • Range ça je t’ai déjà dit que ce n’est pas un jouet, la gronda une voix derrière elle.

Elle leva les yeux sur lui.

  • T’en as mis du temps.
  • Si tu crois que c’est facile de marcher avec une canne dans le sable…. Ronchonna Sonny.

Elle se leva, s’épousseta et prit le chat dans ses bras.

  • Alors ça y’est t’es officiellement mort.
  • Ouais, c’est fait, répondit-il alors qu’ils s’éloignaient vers les tours au loin.

Le plus dur ça avait été la convalescence et la rééducation. Chié une tannée pour récupérer sa jambe et son mollet en compote. Ils avaient même dût lui faire une greffe pour cette jambe. Pour le reste il s’était réveillé menotté à son lit, un flic en faction devant sa chambre. Un gars du SWAT. Puis une femme d’une soixantaine d’année en tailleur homme noir était rentrée et lui avait collé un dossier devant les yeux. Les cadavres de Mc Fly, Cody, Anderson s’y étalaient en photo. Sonny avait levé les yeux sur la femme et avait demandé :

  • Ouais et alors ?
  • Nous avons trouvé d’autres vidéo chez Mc Fly et Cody, certaine avec votre fille et d’autres enfants. Monsieur Francezzi faisait sous-traiter la production par un certain Thomas Bennet qui a disparu lui aussi, mais de ça aussi je suppose que vous êtes au courant.
  • Vous êtes qui exactement ? Les flics, le FBI ?
  • Ce que vous ne savez pas en revanche c’est que Monsieur Francezzi n’était qu’un des maillons d’un vaste trafic d’êtres humains, et que d’autres personnes sont responsables des abus qu’a subit Lily.
  • Qu’est-ce que vous êtes en train de me dire que j’ai pas tué les bonnes personnes ?
  • Il y en a d’autres…

Un ange armé passa dans un silence funèbre.

  • Vous voulez quoi à la fin ?
  • Vous proposer un travail.
  • Je ne suis pas intéressé…. D’ailleurs…

Il souleva son bras menotté.

  • Justement, vous n’avez pas beaucoup le choix, au mieux vous serez condamné à 250 ans de prison et vous ne reverrez jamais votre fille, au pire c’est l’injection létale…

Sonny n’aimait pas qu’on le fasse chanter pas plus qu’il n’aimait les gens qui se la jouaient mystère, même si au fond qui elle était il s’en foutait, c’était un principe.

  • Allez vous faire foutre.
  • Vous êtes sûr ? je suis votre dernière chance, dit-elle en reprenant le dossier.
  • Et si vous me disiez qui vous êtes bordel !
  • Je suis le colonel Sterling et je travaille pour le CCHT, le centre contre le trafic d’êtres humains.

Il marchait péniblement, sa fille devant lui, elle lui demanda :

  • Et pour moi ?
  • Tu vas intégrer le programme de protection des témoins, ça sera toujours mieux que les familles de taré.

Elle ricana.

  • Cool…. Et toi tu vas faire quoi ?
  • Faire la chasse à ceux qui t’ont fait du mal.
  • Super cool.

L’hôpital l’avait désintoxiqué des amphétamines et de l’oxycodone, il se sentait dans une forme olympique s’il n’avait pas eu besoin de cette canne. Les médecins lui donnaient encore un an avant de récupérer complètement, d’ici là il faudrait qu’il ait creusé la piste des véritables donneur d’ordre. Il se demanda si Hawk et son copain Mike seraient disposés à l’aider.