l’Enfer (extrait 3)

Gourmandise

Milan contemplait avec la ferveur d’un converti, le paquet de spaghettis posé devant lui qu’un rayon de soleil venait frapper depuis l’unique fenêtre de la pièce. Honorant les sentiments qu’il nourrissait à l’endroit de ce kilo de pâtes, les scintillements du cellophane habillaient les longues tiges blondes d’une lueur aurifère; tant, qu’un examen hâtif eut leurré n’importe quel visiteur un peu distrait et donné l’illusion que le vieil homme était, en réalité, le gardien de quelque fabuleuse fortune. Des spaghettis tout à fait ordinaires, fabriqués en Lybie, mais qui néanmoins s’ils n’avaient pas valeur d’or revêtaient, au coeur du vieux Milan, l’habit délicat et joyeux d’un trésor enfantin.

Sur la moitié de l’emballage courait une large inscription curviligne, de style koufik, ponctuée d’un épi de blé simplifié. Sigle qui n’était pas sans lui rappeler les gerbes virilement empoignées des ouvriers des bas-reliefs de l’Hôtel de Ville et qui, désormais, gisaient en débris parmi les cadavres et les carcasses incendiées.

Le paquet reposait sur une petite assiette à la courbe approximative et au rebord ébréché, trônant au milieu d’une table en bois vermoulu, plantée au fond d’une pièce à peu près nue, dont le plancher et le plafond étaient à demi défoncés. Dans un coin de la pièce, attendaient un seau d’eau, un réchaud, quelques grammes de margarine, une passoire artisanale et une casserole cabossée, rafistolée de clous. Il était assis sur un tabouret bricolé et pouvait entendre au loin tonner les canons.

La fenêtre, par laquelle le soleil fêtait son trésor, était brisée et plus rien ne retenait le vent de venir charrier ici les remugles de poudre et de mort qui flottaient au dessus des rues. Fumet mêlé d’un relent de moisi émanant des murs à demi pourris et qui avait désormais pour lui, l’odeur du quotidien. Les volets avaient été arrachés et du rebord ne subsistait plus qu’une vague et courte plate-forme de béton noirâtre sur laquelle reposait un pot de fleur; duquel s’élevait, triomphante, une délicate touffe de basilic.

Car en dépit de tout, Milan avait conservé son goût des choses italiennes et au-delà de la simple idée que ces pâtes allaient lui offrir son premier repas depuis une semaine, elles avaient la vertu d’invoquer le plus doux des souvenirs, qu’un peu de basilic soulignerait d’une saveur sans égal.

Oubliant le désastre, il remontait dans le lointain catalogue de sa mémoire; au temps jadis des Jeunesses Communistes, où lui et ses camarades traversaient les frontières à la rencontre de l’Europe, célébrer le nom du Maréchal et glorifier sa politique.

Il avait navigué à bord des formidables tracteurs soviétiques sur les fleuves blonds des champs de blé de Silésie, il avait admiré la majesté mystérieuse du pont Alexandre II dans la brume glacée d’un hiver à Leningrad, il avait bu l’ouzo en chantant la révolution sous le soleil de Grèce… mais seule l’Italie brillait encore au sommet de son coeur. Ah qu’elle n’avait pas été sa joie de découvrir que son prénom était également le nom d’une grande ville Lombarde ! Et cette langue ! Si chantante et si cousine qu’il l’avait comprise sans jamais l’avoir apprise…

Soudain il revoyait la grande tablée de son adolescence au pied des oliviers de Toscane. Avec sa nappe bleue, éclaboussée des rayons du soleil qui dansaient au travers des branches odorantes. Il revoyait le visage joyeux de ses compagnons, il les entendait rire et chanter les chants partisans que leurs avaient appris les camarades italiens. Il sentait à nouveau le parfum des spaghettis et sa bouche retrouvait le goût du basilic, de l’huile d’olive et de la tomate fraîche. Le goût de vivre.  Alors lui venait à l’esprit ces quelques vers de ce poème qu’il avait appris à l’école et qu’il récitait en français: Mon enfant, ma soeur, songe à la douceur d’aller là-bas vivre ensemble ! Aimer à loisir, aimer et mourir au pays qui te ressemble ! … Et un sourire naissait sur son visage triste.

L’Enfer (extrait 2)

Colère

La détestation unilatérale des infrastructures chimiques de la langue démolit d’un coup de point, pas d’exclamation, la foule molle des vendredi soirs qui m’observe comme un limaçon chinois, méfiant et jaune. Je leurs hurle dessus et ils ne disent rien, ils ne comprennent pas ou par bribes, le poème que je leur sers en soupe. Des chiens. Des chiens à leur maman debout derrière leurs télévisions qui passent comme des mégots dans le vent et je les ignore moi aussi, qui puis-je s’ils sont bêtes qui puis-je s’ils vachettent dans la croupissante médiocrité de leurs alinéas, leurs crédits, leurs assurances, leurs plans retraite, comme si la retraite n’avait pas déjà sonné pour eux depuis l’enfance ! Taïaut de nos rêves faisons des maisons ! Des télés, des émissions… Ils adorent ça les émissions, se regarder parler…. Regarder les autres, pour se dire, nous on n’est pas pareil mais on aimerait bien. On aimerait bien être comme Lolita Panpancucul la princesse reality chaudasse, avoir des gros seins et aller partout avec ses gros seins comme deux ambassadeurs spéciale porno. Mais on n’est pas comme Madame Michu, oh non ! Qui vient raconter sa petite vie de misère à la télévision, ah non ! Nous on est mieux ! Oui mais je m’en fous moi qui les garde leur plastique savant à leur maman, tatouage ethnique et tout le toutim, qu’ils se le caroufaillent où je pense leur Apollon spongiforme bovin, les problèmes spicologiques de Madame Bidule, et toute leur modernitude ! Qu’est-ce que tu veux que ça me fasse à moi que leur siècle il calanche dans les toupies, que ça roule en rond à ras, de les voir clapoter comme des rongeurs sur leurs claviers partout où ils sont comme s’ils étaient tous ministres de quelque chose. Comment veux-tu que ça m’intéresse moi leur litté-rature à gros pied qui raconte jamais rien mais qui le raconte rondement. Leurs philosophes du sophisme et de la litote en collier. Il y a rien. Il n’y a plus rien, ou presque et ce qui reste ça s’en va par petit bout et tout ce qu’on peut espérer c’est que ça va pas partir trop vite en couille. Mais le veau il comprend pas, il continue, on lui a dit de continuer alors il continue. Et il me regarde lui aboyer dessus et il a peur, je la lis sa peur dans ses petits yeux éteints d’aveuglé-sourd. Il a peur de quoi ? De ce que je lui renvoie évidemment, suis-je fou ? Comment ? Je l’insulte lui ! Oui toi ! Non toi ! Alors il prend son petit portable rassurant, son organe en plastique, il appelle les gentils flics rassurants dans leur tenue de ninja de la mort qui vont m’embarquer c’est sûr. Ils me feront taire, c’est sûr, on entendra plus le son de ma voix, mais dans la tête je ne me tairais plus jamais, et chaque fois qu’ils me demanderont je leur dirais. Je leur dirais ma fièvre gigantesque, ma fureur rocambolesque, ma colère faramineuse contre leur monde de ras de terre, leurs absences, leur néant, leur océan de néant sur lequel ils naviguent à vue, mais sous l’œil attentif des caméras ! dis-je en pointant théâtralement la caméra au-dessus de la galerie. Oui ! Et qui donc est derrière cette caméra ? Quel lambda est en train de me regarder là ? OUI ! Un veau lève la tête, il sourit je l’intéresse, oh mon frère, oui toi aussi regarde sainte caméra, elle nous observe c’est pour notre bien. Le veau sourit, je l’amuse… Et voilà les pandores qui m’assaillent, vos papiers s’il vous plaît, à qui vous parlez ainsi monsieur, mais à vous monsieur, à vous lui dis-je, et à lui aussi, s’il veut bien, à n’importe qui qu’est-ce que vous voulez que ça me foute ! Ils s’exaspèrent, ils sont en bande, ils aiment ça être en bande c’est grégaire chez eux. Taisez-vous monsieur, voyez ce que je vous avais dit ? Ils veulent tous qu’on se taise toujours, ils ne veulent pas entendre, surtout si ça les nomme qu’ils soient civils ou poulets, taisez-vous ou on vous embarque et pourquoi donc ? Pour outrage, pour rébellion non même pas pour désordre sur la voie publique, exactement ! La vérité ils appellent ça le désordre.

l’Enfer (extrait)

Luxure.

C’était les années 90. Karen disait que les années 90 c’était les années 80 qui prenaient racine et se pavanaient. Après avoir roulé quelques pétards, elle aimait développer de grandes théories sur les décennies qui passaient et leurs conséquences sociales. Et toutes sortes de théories d’ailleurs. Elle disait que les années 80 avaient stoppé net le Grand Rêve, fin des illusions libertaires, et la créativité des trente années précédentes converties en bon argent. Maintenant on en profitait, on faisait les beaux avec ses toutes nouvelles certitudes, greed is good. Karen vous regardait alors pendant un instant par-dessus ses lunettes, l’air amusé, et puis elle vous sortait un magazine au hasard. Il y avait toujours des magazines chez elles. Paris-Match, Le Point, ces choses là…

– Regarde les 5 Grandes, par exemple, Naomi, Cindy, Claudia, Linda et Christie, qu’est-ce qu’elles sont sinon le message du libéralisme au sujet de la femme idéale.

Elle ouvrait une page, jamais complètement au hasard, qu’elle avait cornée, et exhibait la photo d’une des reines. Naomi Campbell sur une plage, longue, parfaite et bleue comme un carnassier de compétition. Un rêve de colonialiste.

– Or quel modèle de femme idéale propose le libéralisme ? Une salope de réputation internationale, qui gagne un max de thune, et baise avec des célébrités. Et comment tu le sais avec qui elle baise ? Parce qu’on te le dit !

Si les pages étaient cornées c’est parce qu’elle passait beaucoup de temps à lire ces magazines qui traînaient chez elle, à fumer des joints et à y réfléchir,  près du téléphone. Si elle semblait si convaincue et convaincante, c’est qu’elle venait d’une famille qui avait de l’argent, recevait des gens, et avait précisément arrêté d’y croire vers 1978. Et aussi parce qu’elle vous disait tout ça en tailleur Chanel, avec ce visage de petite bourgeoise impétueuse qu’elle avait, son sourire carnassier, trois ans d’études de com. derrière elle. Quoiqu’en fait ils n’y avaient jamais vraiment cru. Les pattes d’éph. et le bandeau dans les cheveux c’était le chic pour tout le monde. Mais ils avaient fait semblant. En revenant de Ceylan et de Bali ils s’étaient intéressés aux placements financiers. Au début ils avaient voulu ça éthique. Surveillé, humanitaire, tout le tralala, qu’y a-t-il de mal à prendre du plaisir en se faisant de l’argent ? Et puis bien entendu… Ils avaient investi dans la pierre, acheté et revendu des résidences secondaires à leurs « amis » qui, s’ils ne l’étaient pas, le devenaient de fait dans leur conversation. Ses parents, sa sœur, appartenaient à cette espèce qui n’a pas de copains, d’associés, de clients ou de relations, mais des amis. Des amis de la même espèce et ils se donnaient tous, sans exception, du « cher ami » à la première occasion, comme un rituel. Catherine le savait, elle avait un peu les mêmes à la maison. Catherine était subjuguée.

– C’est la conception intime et forcément juvénile de la femme de cette bourgeoisie née de la seconde révolution industrielle de notre siècle.

– Seconde révolution industrielle ?

– Bien entendu chérie, la première c’est l’avènement des inventions, l’électricité, la vapeur, le travail à la chaîne et structurellement la mise en servitude des classes populaires.

A ce moment là en général elle vous passait le joint, ou en roulait un autre pendant que le sien restait à se dandiner au balcon de sa bouche pulpeuse. Rouge à lèvres cerise, perles autour du cou, un cadeau de sa tante.

– La seconde qui intervient entre la reconstruction de l’après-guerre et le Baby Boom. La bourgeoisie concède au désir d’émancipation de ses forces vives, les colonisés d’hier, les femmes, et sa jeunesse, à seule fin en réalité de proroger ses intérêts tout en se protégeant du changement. La lutte des classes se déplace non plus dans un rapport de bas et de haut, mais de bas vers le bas et de sexe contre sexe, sur une échelle égale entre jeunesse, immigrés, femmes, et classes populaires historiques.

– Je vois, disait alors Catherine en marquant une pause. Si je comprends bien, tu soutiens que c’est la même bourgeoisie mais travestie qui intervient dans la marche du monde depuis le XIXème siècle. Mais il y a quelque chose qui cloche dans ton raisonnement, cette bourgeoisie-là, sa conception de la femme c’est la maman ou la putain, pas seulement la putain, même de luxe.

Catherine avait choisi le droit, mais elle venait une famille où l’argent était plus ancien, presque une tradition. Ses parents auraient regardé ceux de Karen avec hauteur. Et puis Catherine n’avait pas terminé ses études et continuait de fréquenter les rallyes. Karen s’était déjà mariée, ce que ses parents n’auraient jamais toléré. Aux yeux de la première la seconde avait un parfum inaccessible de liberté, d’indépendance.

– C’est là où tu te trompes. La bourgeoisie sépare la maman de la putain. La cocotte d’une part, la maîtresse, impossible ou non, et la mère de l’autre. Sans compter qu’ici il faut insister sur la dimension juvénile. Naomi, Linda, Cindy, Claudia et Christie ne sont plus seulement des fantasmes de putains divines, elles sont des putains conquérantes qui vont au-delà des demandes des hommes. Des cocottes formidables, internationalisées, institutionnalisées !

– Des cocottes en papier glacé.

– Oh joli !

Catherine était la seule amie de Karen, mais Karen n’était pas la seule amie de Catherine. Elle suivait la ligne tracée par un monde commun de jeunes femmes de bonne famille que son amie tenait éloigné avec une ironie de pure défense. Toutes deux parfaitement conscientes d’être comme toutes celles de leur espèce, des produits d’ornementation de familles affichant leur réussite, et l’articulation de celle-ci : la famille justement. Mais Karen avait du mal avec l’idée que ses parents ne l’aimaient pas vraiment, alors que Catherine et la plupart d’entres elles convenaient d’une manière ou d’une autre qu’il valait mieux préserver son énergie plutôt d’interroger ce manque d’amour et s’y couper. Parfois Catherine se trouvait lâche. Mais parfois aussi elle trouvait que Karen exagérait.

– C’est pourquoi je suis convaincue que le seul outil réel de domination accepté par la bourgeoisie au sujet des femmes est le sexe. Et conséquemment le levier essentiel par lequel elles peuvent, non pas s’affranchir de la société bourgeoise, ce qui, tu en conviendras serait une manière au contraire de s’y convenir, mais de lui péter les dents.

– Oui mais quand même… T’es vraiment sûre que tu veux faire ça ?

Alors les yeux de Karen se faisaient un peu plus vagues, elle regardait de côté, et ses doigts hésitaient vers les siens comme une enfant vers sa mère. Puis elle prenait une expression résolue, souriait à demi et rétorquait d’une remarque ironique.

– Et pourquoi pas ? C’est pas comme si ça allait changer mon image.

Comme elle avait choisi de ne pas soulever des questions douloureuses, Catherine, comme la plupart de leur entourage commun, ne cherchait pas dans des passades l’amour manquant de ses parents. Elle préférait croire que les princes existaient bien et le cherchait comme la jeune vierge qu’elle était. Karen, interrogée, et conséquemment victime collatérale de ses propres questions, trouvait moins un amour inespéré dans son mariage que chercher à donner chair à une personnalité qui lui échappait. Si elle n’était pas identifiée par l’affection de ses parents, par quoi pouvait-elle s’identifier ? Son cul. Il était fou de son cul, et elle folle de sa queue. Ils s’étaient trouvés. En conséquence, dans leur monde, et conséquence de leur monde, Karen s’était certes soumise au rituel du mariage, mais l’homme qu’elle avait épousé était plus âgé qu’elle et donnait tous les gages à sa famille d’être ce qu’on appelait dans leur milieu, un aventurier. Ce qui, concomitamment faisait d’elle une fille perdue, une putain. Une putain au visage agressif et fier, aux yeux intelligents, ornés d’un corps femelle qu’elle aimait mouler dans des tenues à l’élégance sévère, bas obligatoires. Une putain de fantasme. Catherine adorait la regarder sur les bancs de la fac, quand elle venait la chercher après les cours, la façon dont les garçons et les filles l’observaient. Cette provocation en tailleur, cette arrogance dont elle se sentirait toujours incapable. Même si elle savait que sa réputation était bien exagérée. Karen ne pensait qu’à son mari. A partir du moment où il était rentré dans sa vie, tous les autres avaient disparu.

– Oui mais bon… de là à faire ça… Il y a vraiment aucune autre solution ?

– Je te répondrais, si j’avais le sentiment d’être dépassée, cette phrase de Cocteau : « quand les choses nous dépassent faisons mine d’en être les organisateurs » je crois beaucoup plus à cette autre citation « ce que l’on te reproche c’est ce que tu es » mais je ne me souviens plus de qui est-ce.

– Périphrase, platitude et métaphore. Sophisme ! Protesta Catherine.

– Peau de balle et tradition.

– Le Pecq, Chatou, Le Vésinet, Bougival, St Cloud.

– Croix Rousse !

Les deux jeunes femmes éclatèrent de rire. Karen  était native de la banlieue dorée de Lyon, Catherine vivait à Paris dans le 7ème arrondissement. Pas tout à fait le même monde. Karen disait que ces lieux avaient des noms de spécialités de pâtissiers-traiteurs, que le Pecq, qu’elle prononçait comme tek, avait la consonance dure et sucrée d’un nappage au caramel sur un choux de baptême, et que Croix Rousse celle d’un énorme millefeuille plein de crème débordante. Accessoirement, elles détestaient les millefeuilles, impossible à manger poliment avec les mains.

– N’empêche, je trouve ça trop comme truc. Karen haussa les épaules.

– Il a des contacts, pourquoi ne pas en profiter ?

Catherine avait du mal à imaginer sa meilleure amie en train de se faire baiser devant tout le monde. Et puis peut-être que quelque part ça la mordait un peu. Peut-être qu’elle était aussi un peu amoureuse, même si ça non plus elle ne voulait pas se l’avouer. Ce n’était pas la première fois qu’elles en parlaient, pas la première fois que Karen lançait ce sujet comme une épée brandie aux imbéciles qui la jugeaient. Avant même que Gille mette ça sur le tapis. Et elle ne pouvait s’empêcher d’admirer quand même, là-dedans, son courage. Partagée d’admiration de choses qu’elle n’oserait jamais et à la fois trop lâche pour être assez déterminée à lui faire renoncer à ce projet. Elle le regretterait toute sa vie. Mais si ce n’était pas la première fois, ce n’était pas non plus, pensait-elle, la fois déterminante. Jusqu’ici Karen l’avait presque évoqué sur le terme de la provocation, ou de l’analyse, conversation qu’elles transformaient bien vite en habillage Automne-Hiver de leur entourage. Les vannes fusaient, elles riaient, et elles rirent à l’idée de la tête que ferait telle ou telle quand elle verrait leur copain se branler sur elle. Comme toujours. Et puis parfois Catherine redevenait sérieuse, comme ébranlée par un soudain sentiment d’ultime courage, sinon de devoir.

– Mais tes parents ? Qu’est-ce qu’ils vont dire ? Alors une ombre repassait par son visage insolant. Immédiatement poursuivie par sourire un peu méchant. Ses parents…

– Qu’est-ce que tu veux que ça me foute ?