L’antisémite, l’idiot utile de la république.

Un vieux con lui-même ouvertement raciste se fait insulter et menacer par trois imbéciles hystériques, un cimetière juif est souillé par la bêtise crasse de quelques nostalgiques d’un temps qu’ils n’ont probablement pas connu, on tag des « juden » et des croix gammées et hop, comme à chaque fois qu’un ou des juifs morflent, toute la classe politique est dans la rue, main sur le cœur que c’est mal de ne pas aimer les juifs. Et ainsi font les petites marionnettes depuis la libération. Car n’est-ce pas la France a gros à se faire pardonner depuis la rafle du Vel d’Hiv’ et le régime antisémite de Vichy. Alors soyons plus philosémite que le roi David ça coûte rien et ça fait bonne figure. Zemmour et Marine Le Pen peuvent brailler que c’est la faute à l’Islam et à « l’immigration massive » tout en réhabilitant ce même régime de Vichy sans que ça gêne. Et la classe politique dans son ensemble d’instrumentaliser la question pour mieux se tirer dans les pattes des uns des autres, sans que ça gêne non plus. Le tout avec le CRIF et son orchestre pour mélanger absolument tout, Gilet Jaune et antisémitisme, comme si cela avait le moindre rapport, n’en déplaise à BHL qui n’en n’est plus à une énormité prêt. On veut même pousser le vice un peu plus loin puisque un député LaREM propose de condamner l’antisionisme au même titre que l’antisémitisme. Comme si contester la politique meurtrière et impérialiste d’un état pouvait, devait, être assimilé à cette haine absurde des juifs. Proposition porté par le député Sylvain Maillard, inqualifiable petit bourgeois pour qui la majorité des SDF le sont par choix, c’est dire la lumière… Mais la lumière il y a longtemps qu’elle n’a pas été portée à l’Assemblée.  En attendant c’est quand même une belle farce que voilà. La farce française qui ne se remet pas d’avoir un jour mis au monde un régime raciste comme celui du Maréchal Pétain, elle qui, à en croire ses flagorneurs, a inventé quasiment la liberté, légalité et la fraternité devant toute l’humanité. Et tant pis si le régime de Vichy, n’en déplaise à Zemmour, est l’aboutissement logique de la défaite de 1870, de la montée en puissance de l’Action Française grâce à l’affaire Dreyfus, de la loi de 1905 et de tout ce que la droite boulangiste n’avait pas digéré à commencer par la corruption de la IIIème république. Tant pis donc si le pétainisme et son antisémitisme viscérale est un fruit bien français qu’on ne peut pas cette fois aller chercher du côté de l’Islam. On comprend mieux au passage comment cette histoire de Vichy peut déranger un Zemmour dans l’interprétation qu’il se fait du roman français, pas un arabe à l’horizon pour justifier la haine des juifs, ça ne peut pas rentrer dans son logiciel peu touffu d’intellectuel de pacotille.

Reste qu’il ne faut pas se voiler la face, « sale sioniste » dans la bouche d’un barbu qui rajoute « retourne à Tel Aviv, la France est à nous » peut difficilement ne pas s’assimiler à « sale juif rentre chez toi ». Paradoxe presque amusant dans la mesure où juif est une religion et pas un état civil, n’en déplaise aux barbus comme à la droite israélienne, les deux extrêmes d’un cercle vicieux qui n’en finit pas de déchirer le Moyen-Orient. Reste qu’il ne faut pas non plus ignorer que pour de nombreux locuteurs, critiquer Israël est un moyen à peine dissimulé d’étaler son antisémitisme sans que ça gêne, et le juif devient « sioniste » car bien entendu tous les juifs sont d’accord avec la politique mené par Israël. Et comme à chaque fois de trouver un député de la Knesset ou un ministre d’inviter les juifs de France à « rentrer à la maison » comme si Israël était forcément la terre des juifs et de nul autre. Comme si d’ailleurs être juif signifiait forcément se sentir mieux dans un pays en guerre permanente plutôt qu’ici même.  Comme si juif était une spécificité à retrancher de l’humanité, un cas à part, à ne critiquer sous aucun prétexte. On peut se moquer des musulmans, des chrétiens, même des bouddhistes si on veut mais juif pas touche ou attention au point Godwin. N’empêche ce statut en intouchabilité les juifs peuvent remercier Hitler et la Shoah, ou plus exactement, remercier l’instrumentalisation qui en a été faite depuis 48 afin de justifier tout et n’importe quoi de la part du gouvernement israélien. Car c’est bien là où le bât blesse réellement dans ce que la Shoah est devenu politiquement, un outil de propagande contre tous ceux qui s’opposeraient à la politique impérialiste d’un pays comme un autre, un moyen de les disqualifier, mieux encore, de déclarer systématiquement à l’incendie dès lors qu’on ose discuter à Israël son droit moins à exister qu’à coloniser son voisinage contre l’avis de toutes les résolutions de l’ONU, voir contre l’humanité tout entière si besoin est car juif et martyr sont naturellement synonyme et discuter de cela c’est être forcément antisémite. Sur cette propagande, car il ne s’agit de rien de plus –les juifs n’ont pas été les seuls victimes du nazisme- peut donc se construire tout un discours ambivalent contestant non seulement la réalité de la Shoah mais surtout le droit aux israéliens d’avoir la paix chez eux, et logiquement d’embrayer sur la question palestinienne autres idiots utiles de tout un courant de pensée qui se fiche en réalité beaucoup plus des palestiniens que de contester à Israël son droit même d’exister. Et le serpent se mord la queue dans une boucle infinie où on se retrouve classé dans un camp ou un autre au fil des interprétations de chacun. C’est ainsi que moi-même je me suis retrouvé simultanément traité de sioniste et d’antisémite par les deux camps au fait que sans contester le droit à Israël d’exister je critique sa politique. Au résultat de cette disqualification systématique c’est toute forme d’esprit critique qu’on souhaite en réalité paralyser quand il s’agit non plus des juifs mais d’Israël, en espérant confondre les deux sujets en un seul. N’en demeure pas moins que l’antisémitisme et tous les fantasmes afférant au judaïsme ne sont pas une fiction à utiliser au bon grès de ses ambitions politiques. Régulièrement des faits divers immondes émaillent l’actualité de toute leur horreur et des juifs comme Ilan Halimi d’en faire les frais jusqu’après leur mort. S’en prendre aux juifs et à tout ce qui les symbolise devient dès lors un désir de transgression irrépressible pour tout une frange de paumés comme Houriah Boutledja, cette bobo arriviste et raciste, ou le mythomane psychotique Alain Soral ou encore l’autre arriviste Dieudonné dont l’engagement politique est au carré de son besoin de reconnaissance. Ce ramassis de perdants de la politique et des médias qui nourrissent avec ardeur cette haine du juif en le confondant à dessin avec le sionisme dans son ensemble. Ce qui n’est pas le moindre des paradoxes puisque c’est en s’appuyant sur l’antisémitisme des uns que le sionisme s’est constitué comme une nouvelle forme de nationalisme.

Et le danger, cette instrumentalisation qui est faite de l’antisémitisme, est bien là, dès lors untel peut bramer qu’il n’y en a que pour les juifs qui deviennent ou demeurent encore et toujours la catharsis de toute les haines tandis que par ailleurs tout une frange de « l’intelligentsia » française, entendre les pseudos intellos qui posent leur fatuité dans les média, pourra se répandre en propos islamophobes en s’appuyant sur le terrorisme islamiste pour justifier leur phobie. Et ici de me tourner vers le même Finkielkraut qui a ouvert à ses dépens le bal de cette mascarade médiatique, ou Zemmour toujours gourmand de scandale pas cher, pendant qu’en face, dans le camp du bien, comme on dit, on pactisera avec le diable, ignorant délibérément l’islamisation des banlieues et le salafisme rampant de cette même islamisation au titre bien facile de la « tolérance » tout en critiquant avec des mots polis et prudents ce qui se passe en Israël en espérant faire passer ça pour de la conscience politique.

Dans ma famille l’antisémitisme on connait bien et c’est presque une blague juive tant c’est absurde. En 1922 mon grand-père paternel tomba amoureux d’une juive polonaise qu’il épousa tout à fait officiellement à la synagogue et dont il eut trois enfants. Il n’était pas juif mais protestant, et pire, considérant l’époque franc maçon et officier de réserve dans l’armée anglaise. Quand il voulait s’engueuler avec ma grand-mère il poussait même le vice à le faire en yiddish, c’est dire si la question juive comme elle était envisagé alors ne l’effleurait guère. Vingt ans plus tard, en 42, il était de retour à Varsovie où au péril de sa vie il tenta de faire sortir ses beaux-parents du ghetto, il était alors tout à fait officieusement un membre actif du SOE, le service action du MI9, il avait tous les papiers nécessaires à leur exfiltration de l’enfer. Hélas mes arrières grands-parents calèrent à la dernière minute (sur le quai de gare) préférant tenter leur chance en Pologne, pensant que les voyous nazis n’oseraient s’en prendre à des juifs bien installés. La suite on la connait malheureusement, elle est dans tous les livres d’histoire. Mon grand-père, dénoncé à la police de Vichy alla se réfugier au Portugal avec sa famille où il continua ses activités clandestines, notamment pour la résistance française. Il rencontra Jean Moulin, l’aida à avoir des papiers pour se rendre en Angleterre et aida nombre de juif à filer hors de cette Europe mortifère. En toute logique, après la guerre, il fut récompensé d’une légion d’honneur ainsi que diverses autres décorations, comme l’ordre de la Jarretière qu’il renvoya, indigné, quand les Beatles l’eurent à leur tour. Il était comme ça mon grand-père droit dans ses bottes, viscéralement attaché à ses convictions. Puis un jour son comptable, qui était juif, décida de partir avec la caisse, et dès lors cet homme marié à une juive décréta qu’on ne pouvait pas plus faire confiance aux juifs qu’aux arabes. Tellement attaché à cette nouvelle conviction que lorsqu’un ancien résistant, franc maçon lui-même, vint le voir pour monter une affaire, il refusa l’occasion au prétexte que l’homme était juif. Petit détail, l’homme en question s’appelait Marcel Bleustein Blanchet, fondateur de l’agence de pub Publicis. Décision absurde reposant sur un ressenti pas moins absurde qui me ferait pourtant rire moi qui ai fait une partie de ma carrière dans la publicité. Pour autant cette histoire aussi idiote soit-elle traduit bien selon moi l’instrumentalisation que l’on peut faire d’un incident de parcours pour en faire une généralité comme on le fait actuellement avec le mouvement des gilets jaunes et le Monde de pouvoir titrer sans se déranger « l’antisémitisme, la face sombre des gilets jaunes ». Instrumentalisation et propagande étant les deux mamelles de ce même antisémitisme on peut donc remercier toute cette mascarade, celle du Monde en tête, de servir aisément la soupe à ceux qu’ils prétendent combattre. Et ce serait presque risible si en réalité les conséquences n’étaient pas toujours les mêmes, la justification de la barbarie par des procédés intellectuels, la victimisation des uns, la mise au banc systémique des autres et surtout la confusion générale entre un ressenti absurde contre une religion et une opinion sur la politique d’un état.  Et les seuls à payer ce tarif d’amalgame ce sont toujours les mêmes, les juifs. Moralité, comme disait l’autre, les juifs moins on en parle mieux tout le monde se porte.